Comment réussir le Grand Oral du Bac ?
L’exercice du Grand oral, épreuve récemment instaurée à l’examen du Baccalauréat, peut déconcerter certains lycéens. Il s’agit en effet de concilier la bonne maîtrise d’un […]
Décidément, la réforme du Baccalauréat engagée par Jean-Michel Blanquer et mise en application dès 2020 ressemble à une mission impossible. Chaque aménagement destiné à en améliorer certains aspects en détériore aussitôt d’autres par la même occasion ! On ne tarira jamais assez d’éloges sur la résilience des professeurs qui année après année, essuient les multiples réformes les unes après les autres. Au programme cette année des programmes manifestement trop ambitieux par rapport au temps disponible dans l’année pour enseigner !
La réforme du Baccalauréat initiée en 2020 par Jean-Michel Blanquer, visant à moderniser et alléger le parcours lycéen, semble avoir produit des effets inattendus. L’ancien ministre de l’Éducation nationale souhaitait révolutionner l’approche du Baccalauréat et de l’orientation. Avec un accroissement du poids du contrôle continu, il mettait fin aux séries Économie et Sociale (ES), Littéraire (L) et Scientifique (S) pour le Bac général. Désormais, en fin de Seconde, chaque élève doit choisir trois spécialités qui seront le fil conducteur de son orientation. En fin de Première il en abandonne une afin de se concentrer sur les deux autres.
Plutôt que d’alléger la charge de travail des élèves, cette réforme a entraîné un accroissement significatif du volume de travail, avec de nouvelles épreuves au Baccalauréat et un travail intensif à réaliser dans les spécialités.
De plus, c’est en mars qu’étaient fixées les deux épreuves de spécialité du Bac, désorganisant ainsi l’année scolaire et exigeant un travail particulièrement intensif. Au-delà de la grande difficulté des professeurs comme des élèves à atteindre les objectifs d’apprentissage, cette organisation avait comme autre effet dévastateur une désertification des lycées par les Terminales au troisième trimestre.
En réponse à cette pression décrite par de nombreux acteurs comme insoutenable, Gabriel Attal a décidé de reporter les épreuves de spécialité de mars à juin. L’ensemble des professeurs, chefs d’établissements et familles d’élèves, ont salué unanimement cette mesure. Malheureusement, ce report, plutôt que de soulager les élèves, semble avoir exacerbé les défis auxquels ils sont confrontés.
Syndicats et associations avaient accompagné leur souhait d’une demande d’allègement des programmes. Déjà, ceux-ci étaient manifestement trop conséquents pour le Bac 2023, obligeant les professeurs à faire au mieux et à passer très rapidement sur certaines notions. D’ailleurs, pour les épreuves de spécialité, seul un peu plus de la moitié du programme était éligible à des sujets.
Mais en donnant un trimestre supplémentaire, le ministère a remis l’intégralité des programmes en jeu à l’examen, à la grande détresse des professeurs.
Le SGEN-CFDT, dès le début septembre, avait mis en garde contre les conséquences d’exiger la maîtrise totale des programmes pour les épreuves de spécialité en juin. Cette situation transfère la pression écrasante, qui pesait sur les élèves et les enseignants pour couvrir environ 70 % des programmes en mars, vers le mois de juin. L’inspection générale a rapporté que de nombreux programmes étaient achevés in extremis pour les épreuves de mars 2023, souvent lors du dernier cours avant les examens, en s’appuyant parfois sur des distributions de photocopies.
En SES, l’Association des professeurs de Sciences Économiques et Sociales a dénoncé un alourdissement considérable de la charge de travail. « Le ministère retombe dans le travers de son prédécesseur faute d’écoute sur le terrain. Il a davantage répondu aux critiques sur l’absentéisme des élèves au 3e trimestre qu’à nos alertes pédagogiques sur la formation des lycées et le bagage avec lequel on les envoie dans le supérieur », assène Benoît Guyon, co-président de l’association.
Il est vrai que l’introduction de cinq chapitres supplémentaires de SES fait réagir les professeurs de Sciences Économiques et Sociales. Selon les résultats d’une enquête de l’APSES, à l’approche des vacances de la Toussaint, deux tiers des enseignants de SES n’avaient pas commencé le troisième chapitre du programme de SES de Terminale sur un total de douze. L’association estime qu’à ce rythme, seuls 70 % des objectifs d’apprentissage pourront être abordés avant la mi-juin. Actuellement, près de 60 % des professeurs de SES n’auraient traité que 8 des 51 objectifs d’apprentissage, alors que pour respecter le calendrier, au moins 10 devraient déjà avoir été couverts.
En Humanités, Littérature, Philosophie (HLP), en Physique-Chimie et en Histoire-Géographie, Géopolitique et Sciences Politiques (HGGSP), la situation n’est pas moins préoccupante. Yveline Prouvost, enseignante d’HGGSP à Roubaix et membre de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG), souligne la tension du calendrier, indiquant qu’elle doit achever le programme début juin sans perdre une seule heure de cours, une situation très tendue. Déborah Caquet, présidente de l’association des professeurs d’histoire-géographie, résume l’opinion de tous ses collègues professant une spécialité : « travailler à marche forcée ne permet pas une bonne acquisition des savoirs, surtout au milieu de l’année scolaire, lorsque les élèves commencent à révéler des signes de fatigue ».
L’autre aspect préoccupant est la préparation du Grand Oral. Celui-ci a également connu une modification annoncée en début d’année : alors que dans la première mouture, les élèves devaient présenter un sujet pendant cinq minutes, le temps imparti a été allongé à dix minutes.
Aucune heure spécifique n’est prévue pour cette préparation, ce qui complique davantage la tâche des enseignants et des élèves. David Boudeau, professeur de Sciences de la Vie et de la Terre et président de l’association disciplinaire, met en lumière la difficulté de mener un travail de recherche et un entraînement régulier pour le Grand Oral avec six heures de spécialité par semaine, dans des classes de plus de 35 élèves. Le programme à boucler et les écrits exigeant la maîtrise de plusieurs types d’exercices rendent cette tâche encore plus ardue.
De l’avis général, cette pression est intenable pour couvrir l’ensemble des programmes de Terminale. La preuve ? De premiers éléments pointent déjà un retard dans l’avancée des cours avant même la fin du premier trimestre. Le seul moyen d’y remédier serait donc un allégement des programmes dès l’année en cours.
Marie-Thérèse Lehoucq, présidente de l’Union des professeurs de Physique et de Chimie, exprime ses inquiétudes quant aux inégalités potentielles générées par le programme trop lourd. La nécessité de faire des choix dans le programme risque de pénaliser les élèves les plus fragiles, ceux qui ont besoin de plus de soutien et de temps pour assimiler les connaissances. De plus, certains établissements favorisés risquent de se démarquer vis-à-vis d’autres, incapables de terminer les programmes à temps.
La crainte d’un accident est également présente. L’absence d’un professeur, une grève, même courtes, peuvent entraîner un retard significatif dans le programme. De nombreux professeurs estiment ne pas même disposer d’une heure de marge dans tout leur cursus !
Face à cette situation, l’Association des Professeurs de Sciences Économiques et Sociales (APSES) propose une solution pragmatique : prioriser certains chapitres et envisager l’allègement du programme, même en cours d’année. L’APSES suggère de se concentrer sur les 8 chapitres initialement prévus au programme d’examen pour les années paires, comme indiqué dans le BO du 13 février 2020. Des solutions équivalentes sont également suggérées par les associations de professeurs des autres matières.
Changer le programme en cours d’année ? L’enquête menée par l’association des professeurs de SES a montré que les enseignants ont tous commencé l’année par les mêmes chapitres. Il n’y aurait donc aucun souci à abréger en supprimant les derniers chapitres. Par contre, est-ce le cas dans toutes les matières ? Et le ministère acceptera-t-il de revenir sur sa consigne de originelle ?
Laissons le mot de la fin à Benoît Guyon : « S’agissant de la mission Exigence des savoirs, on ne peut pas être exigeant avec un programme trop volumineux ».