Les Classes Prépas Scientifiques et Commerciales sont-elles des repaires d’élèves favorisés ?

Prépas Scientifiques

Les Classes Préparatoires aux Grandes Écoles (CPGE) sont perçues comme des tremplins vers les carrières les plus prestigieuses de France. Par ailleurs, elles sont au cœur d’un débat sur les inégalités sociales qui se cristallisent dans le système éducatif français. L’accès à ces classes “d’élite” et la réussite qui en découle sont fortement biaisés par ce qu’on peut appeler l’héritage social. Une étude de France Stratégie, publiée en septembre 2023, vient rappeler que notre système scolaire contribue à transformer les inégalités sociales en inégalités scolaires.

L’effet de la reproduction sociale est visible dès la primaire

Le concept de reproduction sociale, théorisée par les sociologues Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron dans leur ouvrage « Les Héritiers », déploie ses effets dès l’école primaire : le milieu socioculturel commence dès le plus jeune âge à influencer les parcours scolaires.

Qu’entend-on par « reproduction sociale » ?

La « reproduction sociale » est un concept clé pour comprendre les inégalités sociales dans l’éducation. Pierre Bourdieu a mis en lumière la manière dont les privilèges et les désavantages se transmettent de génération en génération, phénomène particulièrement accentué à travers le système scolaire. Dès l’école primaire, les enfants issus de milieux favorisés bénéficient d’un soutien culturel et linguistique à domicile, ce qui leur donne un avantage considérable dans leur parcours éducatif. Ce phénomène de reproduction se perpétue à chaque étape de la vie scolaire, creusant ainsi les inégalités sociales à chaque cycle de scolarité.

Des inégalités sociales aux inégalités scolaires

Les inégalités sociales se transforment rapidement en inégalités scolaires. Les enfants de milieux socioculturels favorisés rencontrent moins de difficultés et ont en moyenne de meilleurs résultats scolaires. De plus, ils sont plus nombreux à fréquenter des établissements privés ou à suivre leurs études dans des collèges ou lycées plus réputés, du fait de leur situation géographique. La carte scolaire mise en place pour développer la mixité sociale dans ces établissements semble avoir des effets limités : elle induit des stratégies d’évitement qui annulent, pour une bonne part, les impacts attendus. A contrario, les élèves issus de familles moins favorisées se retrouvent souvent dans des établissements aux moyens limités.

D’année en année, ces inégalités dans l’apprentissage se creusent à partir du collège, puis les orientations en fin de troisième sont un vecteur d’amplification des écarts de trajectoires : près de 80 % des élèves d’origine favorisée entrent en seconde générale ou technologique, contre 35 % des élèves d’origine modeste. Cette orientation précoce aboutit à conduire les enfants de milieux moins favorisés vers les filières les moins valorisées socialement et économiquement. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : sept ans après leur entrée en Sixième, près de 70 % des élèves issus de familles de catégories socioprofessionnelles supérieures (Cadres supérieurs, professions libérales, etc) vont entreprendre des études supérieures. C’est le cas de seulement 26 % des enfants de familles modestes. Le système scolaire français est, parmi les pays de l’OCDE, l’un des systèmes les plus inégalitaires depuis des décennies.

Les CPGE illustrent parfaitement le processus de production des inégalités scolaires

Le constat est sans appel, les classes prépas scientifiques maths sup maths spé souffrent d’une homogénéité sociale qui questionne l’équité de notre système éducatif.

Des chiffres implacables

Les statistiques révèlent une surreprésentation des élèves issus de familles aisées dans les classes préparatoires : en 2021, les enfants de cadres supérieurs représentaient 52 % des effectifs (toutes CPGE confondues), alors qu’on ne comptait que 7 % d’enfants d’ouvriers et 11 % de filles ou fils d’employés. Ce qui paraît peut-être le plus préoccupant est l’évolution de ces chiffres. Avec la démocratisation de la scolarité et de nombreuses mesures destinées à emmener les enfants de toutes classes sociales vers une meilleure éducation, on aurait pu penser que ce phénomène s’estomperait, même si cela devait prendre du temps. Or on constate l’inverse : depuis 1980, la part des élèves issus de familles de cadres supérieures a augmenté de 10 points, alors que celles des enfants d’ouvriers sont en recul de 2 points.

Tout est-il déjà joué bien avant le Bac ?

L’obtention du Baccalauréat est souvent présentée comme le sésame pour les études supérieures, mais la réalité est plus complexe. Avant même de passer cet examen, les parcours scolaires ont déjà été lourdement biaisés par le poids des inégalités sociales. L’orientation vers une classe préparatoire se dessine bien en amont, dans un système où les recommandations des professeurs et les attentes des familles jouent un rôle considérable. Les élèves de milieux modestes qui s’orientent vers les filières générales en Seconde sont moins encouragés à envisager d’intégrer les classes préparatoires aux grandes écoles pour de nombreuses raisons :

  • Questions économiques car il faut souvent aller dans un lycée situé dans une métropole pour intégrer une prépa.
  • Autocensure liée aux représentations de ces cursus comme étant réservés à une élite.
  • Méconnaissance de cette opportunité liée à un manque d’information au cours des années lycée.

Quelle qu’en soit la raison, la faible représentation des classes modestes en prépas est une réalité. Dans un contexte où les grandes écoles continuent plus que jamais à produire l’élite professionnelle française, la question de l’accès de tous aux classes préparatoires est ainsi fondamentale. Elle modèle en effet le type de société dans lequel nous vivons.

C’est pourquoi Cours Thalès propose des stages de préparation à la prépa scientifiques en Terminale afin de permettre aux élèves les plus motivés, quelque soit leur milieu social d’origine, de rejoindre cette filière d’excellence.

Est-il possible de développer une diversité sociale en classes préparatoires ?

L’idéal serait de repenser notre système éducatif afin qu’il soit efficace dès l’école élémentaire dans la lutte contre les inégalités. Mais cette ambition paraît hors de portée aujourd’hui, tant par manque de volonté publique que par manque de moyens. Cela n’interdit toutefois pas de réfléchir aux moyens d’ouvrir les classes prépas à une meilleure représentation sociale.

Mieux informer et former les lycéens

Au niveau des lycées, on peut imaginer des actions qui se concentrent sur l’information et l’orientation. Dès la Seconde, organiser plus régulièrement des temps consacrés à l’orientation vers les grandes écoles permettrait de mieux communiquer sur l’existence et le fonctionnement des CPGE. Cela permettrait aux élèves de milieux modestes de dépasser des barrières psychologiques et d’en apprendre plus sur les aides et les bourses possibles.

L’accès aux grandes écoles s’ouvre à plus de diversité

Si les classes de prépas restent, comme on l’a vu, très fortement inégalitaires socialement, on constate que du côté des écoles d’ingénieurs ou de commerce, les choses évoluent dans le bon sens ; à ceci deux explications.

De plus en plus de grandes écoles tissent des partenariats avec des lycées de zones défavorisées et/ou se fixent des quotas d’étudiants boursiers, suivant en cela une tendance lancée par Sciences Po Paris. Le résultat, dans les établissements les plus dynamiques sur ce plan est rapidement visible. Ainsi Sciences Po compte aujourd’hui parmi ses étudiants, près d’un tiers de boursiers. Ces exemples, qui permettent aux écoles prestigieuses de recruter de nouveaux profils sans rogner sur la qualité des candidats, pourraient être étendus à l’ensemble des écoles, mais aussi aux classes préparatoires.

Par ailleurs, depuis des années, de nouvelles voies d’accès aux écoles d’ingénieurs et de commerce se sont ouvertes. De plus en plus d’établissements proposent des prépas intégrées après le Bac, permettant d’éviter les CPGE. Il est également possible de suivre un cursus dans de nombreuses écoles après avoir fait d’autres études, par un recrutement sur dossier. Enfin, l’école d’ingénieurs en alternance est un modèle en voie de développement en France. Cela permet aux étudiants peu fortunés d’entreprendre des études longues. On estime à 15 % des élèves ingénieurs passant par cette voie.

Le besoin de diversité dans le recrutement des « élites » est une réalité. Les établissements du supérieur en sont de plus en plus convaincus et mettent en place des dispositifs toujours plus larges pour atteindre une vraie mixité sociale. N’est-il pas temps que les Classes Préparatoires aux Grandes Écoles fassent également leur mue ?

 

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