Publié le 11 avril 2024 par Chloé de Cours Thalès. Mise à jour le 12 avril 2024.
Dans le panorama de l’enseignement supérieur, les grandes écoles françaises, à l’instar des Instituts d’Études Politiques, sont synonymes de parcours d’excellence. Cependant, un reproche est souvent adressé à ces établissements de prestige, leur élitisme, qui favorise un certain entre-soi et exclut de facto les étudiants de milieu défavorisé. C’est pour lutter contre ces accusations que Sciences Po a mis en place depuis un moment des dispositifs censés favoriser une plus grande mixité sociale. Cette volonté d’ouverture se traduit-elle réellement dans le profil des étudiants ?
Sciences Po, ce sont aujourd’hui 11 IEP répartis sur tout le territoire
Sciences Po en France est composé :
- De Sciences Po Paris et ses campus (Le Havre, Reims, Paris, Nancy, Dijon, Poitiers, Menton)
- De Sciences Po Bordeaux
- De Sciences Po Grenoble
- Du Réseau ScPo répartis dans différentes régions : Aix-en-Provence, Lille, Lyon, Rennes, Strasbourg, Toulouse, Saint-Germain-en-Laye et, depuis 2022, Fontainebleau.
Sciences Po Paris est le vaisseau amiral de cette flotte de prestige. Située au cœur de la capitale et partout en France via ses campus en région, avec près de 1 800 nouveaux étudiants admis chaque année, l’école est réputée pour son ouverture internationale, ses doubles diplômes avec des universités de renommée mondiale et son large réseau d’anciens élèves.
Mais les 10 autres IEP ne déméritent pas, bien au contraire. D’un recrutement tout aussi exigeant que leur aînée parisienne, ils proposent des cursus de grande qualité. De surcroît, ils présentent l’avantage d’une proximité avec le tissu local, facilitant une insertion professionnelle directe dans la région. La plupart se distinguent en mettant à leur programme des spécialités. Par exemple, Sciences Po Bordeaux est connue pour ses formations axées sur l’Amérique latine, tandis que Sciences Po Grenoble excelle dans les études européennes.
Les procédures et les conditions d’admission sont très exigeantes
L’admission à Sciences Po Paris et dans les IEP est très sélective. Il existe différentes procédures, selon les établissements.
Pour Sciences Po Paris, la procédure d’admission après le Bac repose sur :
- L’analyse des notes au Baccalauréat.
- Les performances académiques des candidats, et leur trajectoire (progression ou régression) pendant la Première et la Terminale, accompagnées des appréciations de professeurs et du proviseur.
- Un écrit de motivation et un essai.
Les admissibles doivent ensuite passer un oral avant d’être admis.
En 2022, plus de 12 000 candidats s’étaient inscrits sur Parcoursup. À peine plus d’un sur dix a été admis.
7 des IEP de région partagent une procédure commune d’admission post-Bac, le Concours commun Sciences Po : Lyon, Aix, Toulouse, Lille, Rennes, Strasbourg et Saint-Germain-en-Laye. Le concours permet aux étudiants de postuler simultanément à ces sept établissements.
Il repose sur :
- Une épreuve écrite d’histoire.
- Une épreuve écrite de questions contemporaines.
- Une double épreuve écrite de langue : compréhension d’un texte, puis rédaction.
Enfin, les IEP de Grenoble, Bordeaux et Fontainebleau suivent une procédure proche de Sciences Po Paris.
Il faut noter que le taux d’admis est approximativement de 11% dans les IEP.
Par sa politique d’ouverture, Sciences Po veut changer la donne
L’inégalité sociale culmine dans les grandes études supérieures
On compte aujourd’hui environ 37 % d’étudiants dans le supérieur titulaires d’une bourse pour poursuivre leurs études. Or, on retrouve un bien moindre pourcentage parmi les élèves des grandes écoles. En 2021, on relevait en moyenne :
- 12% de boursiers en écoles de commerce
- 23% en écoles d’ingénieur
- 19% en classes préparatoires aux grandes écoles
Mais les grandes écoles ont commencé à prendre des mesures pour rééquilibrer leur recrutement.
Sciences Po Paris a mis en place des conventions d’éducation prioritaire
Sciences Po Paris a été un pionnier dans la mise en œuvre de politiques d’ouverture sociale destinées à favoriser l’accès des étudiants issus de milieux défavorisés. Depuis le début des années 2000, l’établissement a mis en place des Conventions d’Éducation prioritaire (CEP), au cœur du programme de l’école pour l’égalité des chances. Il s’agit d’un programme ambitieux reposant sur une collaboration de l’école avec des lycées situés en Zones d’Éducation prioritaire (ZEP). Le programme atteindra bientôt les 200 lycées. Le but est d’identifier les élèves talentueux dès la Seconde, et de leur offrir un parcours d’accès privilégié à Sciences Po.
Depuis 2024, Sciences Po Paris a élargi son ouverture aux lycées professionnels. Reprenant l’idée des CEP, le processus est actuellement en test, avec des conventions avec trois lycées.
Le réseau des IEP privilégie un dispositif « Programme d’études intégrées »
Le réseau des IEP en France a opté dès 2007 pour un Programme d’Études intégrées (PEI), conçu pour accompagner les étudiants de milieux défavorisés dans leur préparation aux concours d’entrée des IEP.
Ce dispositif vise lui aussi à égaliser les chances de réussite en fournissant un soutien pédagogique, des ressources éducatives, et un accompagnement personnalisé aux élèves issus de lycées partenaires de la Troisième à la Terminale.
Au début des années 2000, au lancement du programme des CEP, 3% des étudiants de Sciences Po Paris étaient boursiers. Les choses ont fortement changé, puisqu’en 2022 :
- Sciences Po Paris, atteignait près de 25% de boursiers dans ses rangs.
- Les 7 IEP du parcours commun 29,9% de boursiers (+1,3% d’alternants).
- Et 27,6% (+1,2% d’alternants) en moyenne si l’on prend l’ensemble des IEP.
Les taux varient fortement, puisque l’IEP de Grenoble avait recruté 38,7% de boursiers, alors que celui de Strasbourg par exemple n’en comptait que 27,5%. Si ces proportions sont encore inférieures de beaucoup à celles de l’ensemble des boursiers en études supérieures, elles permettent de constater la progression importante qui s’est opérée en une vingtaine d’années.
Une lente évolution vers des profils plus diversifiés
Les efforts pour diversifier les profils des étudiants de Sciences Po semblent donc porter leurs fruits, comme en témoignent les données récentes sur les recrutements en première année. Il reste cependant difficile de connaître précisément la composition sociodémographique des étudiants des IEP.
La répartition sexuelle semble ainsi s’être inversée en une quinzaine d’années. En 2009, les hommes étaient majoritaires chez les étudiants ; aujourd’hui on y trouve 62 % de femmes.
Concernant les catégories socioprofessionnelles, aucune donnée ne semble disponible si ce n’est celle du nombre de boursiers. En 2017, une enquête du quotidien Libération apportait un bémol intéressant au succès des CEP ; en effet, à l’époque, 40 à 45 % des admis à Sciences Po Paris par la voie des CEP étaient issus de CSP supérieures.
Toujours est-il que le recrutement reste très exigeant, la moyenne au Bac des admis de 2022 était de 16,89, une grande majorité ayant donc décroché la mention très bien.
Dans les enquêtes réalisées par Sciences Po, l’on voit aussi la grande appétence des étudiants des instituts à l’engagement. En 2022, 36 % des étudiants étaient membres d’une association humanitaire ou caritative, 16% d’une ONG de défense de l’environnement, 14% militaient dans une association pour le droit des femmes et 8% dans la défense des droits LGBTQ+.
Les profils d’étudiants à Sciences Po reflètent certainement année après année une diversité croissante et une ouverture sociale plus marquée. Une certaine prudence doit cependant demeurer sur l’importance de cette tendance. On sait tous les obstacles qu’un élève instruit dans une zone d’éducation prioritaire doit franchir pour accéder à ces grands établissements : sentiment d’illégitimité, classes moins performantes que dans les collèges et lycées de quartiers favorisés, méconnaissance des stratégies pour rejoindre des filières d’excellence, etc. Pour aller plus loin, le renforcement des dispositifs actuellement en vigueur et leur extension à d’autres lycées semblent indispensables.