La vie sur le campus de Sciences Po Paris
Avec près de 15 000 candidatures en 2024 sur Parcoursup, l’Institut d’Études Politiques de Paris, mieux connu sous le nom “Sciences Po”, reste une formation […]
Sciences Po se veut constamment à l’écoute des grands défis de son époque. De grands mouvements sociétaux se manifestent, qui vont changer en profondeur notre monde. C’est le cas, bien évidemment, des crises environnementales, du climat aux pollutions, en passant par la raréfaction de certaines ressources naturelles. Cette révolution se mesure également dans la manière dont les jeunes générations envisagent le travail. Il ne s’agit plus, pour nombre d’étudiants d’aujourd’hui, de trouver un emploi rémunérateur, mais avant tout de participer activement aux réponses à ces enjeux environnementaux. Engagement, responsabilité sont ainsi des valeurs mises en avant lors des recherches d’emploi. C’est dans ce contexte que l’IEP de la rue Saint-Guillaume vient d’inaugurer un institut des transformations environnementales.
Si l’avenir environnemental de la planète et ses perspectives à moyen terme paraissent très sombres, les générations nées après 1990 semblent conscientes des enjeux considérables que leur laissent leurs aînés. Elles se montrent surtout disposées à batailler pour leur trouver des réponses efficaces, fussent-elles radicales.
Les experts du GIEC ne cessent de rappeler l’urgence absolue d’une modification de nos comportements et d’un tournant à opérer à 180 degrés dans les politiques publiques et les modes de production. Il est vrai que le réchauffement climatique se fait déjà sentir et dépassera vraisemblablement les prévisions pourtant déjà annonciatrices de grandes catastrophes. Le recours à des produits chimiques délétères, en particulier dans l’agriculture, bien que remis en question, reste pourtant largement la norme, bloquant la conversion des pratiques agricoles, portant une double menace : empoisonner encore plus les terres et l’air sur toute la planète, ou laisser les famines toucher des milliards de personnes. Les gouvernements de nombreux pays occidentaux s’engagent activement dans cette transition et de plus en plus d’entreprises cherchent à réduire drastiquement leur empreinte environnementale. Il se trouve d’ailleurs que ces entreprises sont particulièrement attractives pour les jeunes diplômés.
Une étude récente conduite par le RESES, Réseau des Étudiants pour une Société Écologique et Solidaire, met en avant l’inquiétude des étudiants en la matière. Créée en 2007, cette structure associative rassemble plus de 170 associations étudiantes et peut ainsi réaliser de grandes enquêtes sur ces populations. Lors de la dernière consultation nationale étudiante, en 2023, il apparaît que :
Si bien que la cause écologique est soutenue par 70 % d’entre eux et 16 %, soit un sur six, se déclarent militants. Cette tendance se ressent sur les études, puisque 30 % déclarent avoir pris en compte les enjeux écologiques dans le choix de leur cursus.
Camille Etienne, militante et activiste, soulignait lors d’une conférence à Sciences Po Paris un apparent paradoxe. En effet, disait-elle, « la plupart des gens contre lesquels je me bats — dans des combats pour l’environnement — en tant que militante écologiste, qui font partie de la direction des grandes banques, des cabinets ministériels, ont un point commun : ils ont fait cette école ! ». En effet, nombre d’élites formées à Sciences Po sont aujourd’hui perçues comme faisant partie du problème environnemental. On voit que l’école a peut-être, plus que bien d’autres, le besoin légèrement coupable d’inverser les choses pour préserver un avenir vivable aux générations futures.
Sciences Po s’est donc lancée dans une initiative ambitieuse pour relever les défis environnementaux de notre époque. Le lancement de l’Institut des transformations environnementales veut démontrer l’engagement profond de l’école envers les enjeux climatiques et la nécessité de la transition écologique.
Durant la dernière décennie, Sciences Po a progressivement intégré l’écologie et l’environnement dans ses programmes d’enseignement. En 2023, plus de 250 cours abordent le sujet des transformations environnementales. En janvier 2023, Sciences Po a franchi une étape supplémentaire en introduisant un cours obligatoire de « Culture écologique ». Ce cours est proposé à tous les étudiants de première année, sur l’ensemble des campus et est disponible en français et en anglais. Conçu pour initier les étudiants aux enjeux liés aux transformations environnementales, le cours comprend 18 heures de cours magistral en format intensif d’une semaine et 6 heures d’enseignements complémentaires.
En outre, Sciences Po a continué à renforcer son engagement envers l’environnement dans ses programmes de master. Par exemple, l’école de journalisme propose un enseignement obligatoire intitulé « Politique de la Terre » dès le premier semestre de M1. De plus, des masters spécifiques, tels que le Master in International Energy Transitions à la Paris School of International Affairs, ont été créés pour répondre aux besoins croissants en matière de formation spécialisée. L’école a également mis en place des doubles diplômes en collaboration avec des institutions prestigieuses comme AgroParisTech, l’Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement et Sorbonne Université, proposant des programmes tels que Sciences et politiques de l’environnement.
Cette approche multidisciplinaire est renforcée par l’apport de plus de 40 enseignants-chercheurs de Sciences Po, qui travaillent sur des thèmes environnementaux dans diverses disciplines, notamment le droit, l’économie, l’histoire, la science politique et la sociologie.
L’Institut des transformations environnementales marque une nouvelle phase dans l’engagement de Sciences Po envers l’écologie et le développement durable. Cette institution vise non seulement à structurer et coordonner les initiatives existantes, mais aussi à augmenter leur visibilité et leur accessibilité auprès des étudiants et de la communauté académique.
La direction de Sciences Po fixe trois objectifs majeurs à l’institut des transformations environnementales qui sera localisé sur le campus parisien de l’Institut d’Études Politiques :
Le projet TIERED lancé en avril 2023 et financé à hauteur de 15,9 millions d’euros sur dix ans, est un programme ambitieux pour renforcer les capacités de recherche et d’enseignement de Sciences Po dans les domaines de l’environnement et du numérique. Il se structure autour de trois mouvements interconnectés :
Cette initiative interdisciplinaire voit Sciences Po collaborer avec des partenaires prestigieux comme l’Ined, l’Ifremer, l’Inria, et l’Inserm, pour approfondir la recherche en sciences humaines et sociales et intégrer des expertises en sciences exactes. Le projet a été lancé pour développer des politiques de valorisation des savoirs, notamment dans l’élaboration de politiques écologiques, et de créer des synergies entre les différentes disciplines pour répondre efficacement aux enjeux environnementaux.
Dirigé par Charlotte Halpern, docteure en sciences politiques et chercheuse au Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences Po, l’Institut bénéficie d’une gouvernance inclusive. Il s’appuie sur un comité interne, un conseil scientifique et un conseil des parties prenantes présidé par Jean Jouzel, paléo climatologue, membre du GIEC. Ce conseil des parties prenantes réunit divers acteurs : élus, institutionnels, entreprises, associations, ONG, étudiants, et personnalités, assurant ainsi une approche collaborative et prenant en compte tous les aspects de l’environnement.
L’Institut des transformations environnementales, au cœur du projet TIERED, se donne plusieurs objectifs stratégiques. Il vise à enrichir l’offre éducative de Sciences Po pour former tous les étudiants, quelles que soient leurs spécialités, aux enjeux environnementaux et à la prise de décision. De plus, l’Institut entend contribuer à une nouvelle politique de diffusion et de valorisation des savoirs, accélérer l’ouverture vers d’autres secteurs scientifiques et promouvoir le positionnement unique de Sciences Po. En donnant de la visibilité et de la cohérence aux initiatives et programmes existants, il cherche à créer un effet d’échelle pour décupler et pérenniser son impact.
Enfin, l’Institut développe des collaborations en France et à l’international pour structurer la recherche, enrichir les programmes d’enseignement, recruter des enseignants-chercheurs et des post-doctorants et accueillir des professeurs invités.