Vers une réforme de la réforme du second degré ?

Préparation Bac

Stress des élèves et des enseignants, désertification des classes au troisième trimestre, qualité de certaines épreuves du Bac contestée… La planète éducation est en effervescence. Comme souvent, c’est vrai. Mais le nombre des points problématiques est impressionnant, d’autant que Pap Ndyaie, l’ancien ministre de l’éducation lui-même, estimait fin mai que l’on ne pouvait s’en satisfaire. Revue de détail des problèmes, et des éventuelles solutions.

Un calendrier insoutenable ?

Comment éviter les classes de fin d’année dépeuplées d’élèves ? Si le mot d’ordre « reconquérir le mois de juin » est populaire depuis quelques années, il semble que la partie soit loin d’être gagnée. En cause ? En vrac, les conseils de classe, la réforme du Bac, l’organisation des examens ou encore les corrections.

Des conseils de classe trop précoces

Que ce soit au collège ou au lycée, les conseils de classe sont organisés entre la fin mai et la mi-juin. Résultat : une grande démotivation des élèves qui savent bien qu’une fois le conseil passé, aucune note ne compte plus. 

Une circulaire du 20 septembre 2022 mentionnait pourtant le calendrier idéal pour la tenue des conseils de classe :

  • À partir du 5 juin pour les Troisièmes et Secondes, dans la mesure où des procédures d’orientation sont établies à l’issue des bulletins scolaires,
  • Entre les 26 juin et 3 juillet pour les Sixièmes, Cinquièmes et Quatirèmes,
  • Le plus tard possible pour les Terminales.

Or ces dates théoriques butent sur une série de procédures qui semblent interdire de parvenir à un tel planning « idéal ». C’est en particulier le cas concernant les classes de 3e et de 2de. En 2023, collèges et lycées devaient ainsi remonter les vœux d’orientation et d’affectation des élèves au rectorat au plus tard le 9 juin, date fixée par l’académie. 

Entre le conseil de classe du troisième trimestre au cours duquel se décident l’orientation effective et sa ratification, il est nécessaire de laisser un temps de réflexion et de réaction aux élèves et à leurs familles, pendant lequel le chef d’établissement peut recevoir les mécontents. Ce qui explique des conseils organisés fin mai et tout début juin. De plus, si la décision signifiée est contestée, la famille peut faire appel à la commission d’appel qui se réunit la dernière dizaine de juin pour statuer. Le problème est similaire en Seconde. 

La situation est encore plus compliquée pour les Premières et les Terminales. L’établissement doit transmettre les notes des élèves à l’administration qui décide de la date butoir pour recueillir ces données, souvent entre le 10 et le 15 juin. Cela implique de réunir le conseil de classe plus tôt, tout début juin.

Pourquoi les conseils de classe de la 6e à la 4ème  ne pourraient-ils pas se dérouler à la toute fin du mois de juin, voire début juillet ? En effet, aucune procédure ne vient entraver un tel calendrier. Mais c’est sans compter sur l’organisation des examens ! Le premier cycle se clôt avec le brevet. En 2023, par exemple, celui-ci se tenait à partir du 26 juin. C’est aussi le jour que la circulaire de septembre préconisait pour commencer les conseils de classe ! Les épreuves se déroulant dans les collèges, ceux-ci ne peuvent faire autrement que fermer leurs portes. Il reste donc impératif d’organiser les conseils du troisième trimestre en amont du brevet. Et de laisser des collégiens terminer l’année sans motivation et, pour certains, sans cours certains jours : leurs professeurs étant appelés à surveiller des épreuves.

En terminale, un troisième trimestre sacrifié 

Le cas de la Terminale est particulier et encore plus problématique : le troisième trimestre dans son entier est boudé par les élèves. En cause ? La réforme du Baccalauréat et son calendrier.

Aujourd’hui, l’obtention du Bac repose sur les notes suivantes : 

  • L’épreuve de français organisée en fin de Première,
  • Le contrôle continu en première et en Terminale,
  • Les deux épreuves de spécialités, qui se tiennent début mars. Leurs notes sont en effet requises par Parcoursup pour que l’élève puisse faire ses demandes de vœux. En 2023, il fallait impérativement finaliser son dossier avant le 6 avril.
  • Une épreuve de philosophie, en juin,
  • Un grand oral à la même période.

Compte tenu des coefficients affectés à chaque module de notes, les élèves connaissent dès le mois d’avril plus de 80 % de leur note globale. Ainsi une majorité d’entre eux peut déjà savoir à cette date qu’ils sont reçus, ou au contraire qu’ils ont peu de chance de réussir. Idéal pour démotiver les meilleures volontés ! On a constaté au dernier trimestre 2023 entre 20 et 30 % d’absentéisme dans les classes de Terminale. 

La réforme du Bac à revoir ? Un grand oral mal calibré 

Si le problème du calendrier apparaît comme crucial, une autre question plus spécifique au Baccalauréat taraude nombre d’enseignants : la cohérence des épreuves et en particulier la qualité du grand oral. 

L’une des innovations de la réforme « Blanquer » était l’introduction de cette épreuve. Destinée à aider les élèves à bien s’exprimer en public, elle est censée également les inciter à approfondir leur projet d’orientation.

En pratique, chaque candidat définit au cours de son année de Terminale deux questions en lien avec les deux enseignements de spécialité qu’il a choisis. Il prépare une réponse argumentée pour chaque question, en rapport avec ses intentions d’orientation.

Le jour de l’épreuve, le jury choisit l’un des deux sujets. Le candidat a 20 minutes pour préparer sa présentation, puis intervient pendant 5 minutes pour développer sa réponse.

Il est noté en particulier sur sa capacité et son aisance de prise de parole, mais également sur ses connaissances et la construction de son argumentation. 

De nombreuses critiques déplorent que ce grand oral, dont l’intention n’est pas remise en cause, soit mal calibré. Elles pointent ainsi : 

  • Le fait que, contrairement à l’idée originelle, bien souvent, le sujet choisi n’est pas « personnel » ni même travaillé tout au long de l’année. Bien des candidats sélectionnent leurs thèmes sur des manuels ou même les réseaux sociaux. L’ambition de creuser sur une année, avec l’aide des professeurs, deux sujets ayant trait aux spécialités choisies par l’élève est fortement revue à la baisse.
  • D’autre part, l’évaluation des candidats semble faire primer la maîtrise de l’aisance en public et de l’art oratoire, au détriment du fond. D’autant que des questions se posent sur l’utilisation par les élèves de la réalité de leur travail : ChatGPT et les intelligences artificielles peuvent rédiger une argumentation structurée qui fait illusion en quelques minutes.
  • Enfin, les professeurs qui ont joué le jeu en travaillant réellement avec leurs élèves pour préparer l’épreuve se plaignent du temps passé à organiser des oraux blancs : ils n’ont pu terminer leur programme. 

Améliorer les points bloquants en faisant l’économie d’une nouvelle réforme : une difficile équation 

Pap Ndyaie a demandé aux deux coprésidents du comité de suivi de la réforme du lycée de travailler sur des pistes de solution. Il s’est donné jusqu’à la rentrée de septembre 2023 pour trancher sur celles-ci. Son remplacement rue de Grenelle en juillet interroge sur la suite qui sera donnée à cette réflexion.

Deux scénarios envisagés

Toujours est-il que les présidents du comité de suivi ont avancé deux scénarios. 

  • Une hypothèse « light » : le report des épreuves de spécialité en juin. Cela contribuerait à « reconquérir » une partie du troisième trimestre, tout en posant la question d’une modification de la procédure Parcoursup.
  • Des changements plus ambitieux : conserver le calendrier de Terminale, mais modifier les coefficients des épreuves, en diminuant ceux des épreuves de spécialité et en augmentant celles du grand oral et de la philosophie. De plus, ils proposent de ne pas communiquer les notes des épreuves de spécialité avant la fin de l’année, ce que le ministre a exclu. Ce dernier serait en revanche favorable au fait de conditionner l’admission dans une formation du supérieur à « un travail régulier et assidu » jusqu’à la fin de l’année.

Mais ni l’un ni l’autre de ces scénarios ne semblent susceptibles de répondre correctement à l’ensemble des dysfonctionnements évoqués.

Une demande croissante de remise à plat de la réforme… et des procédures

Est-il encore possible de laisser vivre la réforme du lycée en se contentant de l’aménager, comme le pense l’un des présidents du comité de suivi de la réforme ? S’il estime qu’il faut disposer de plus de recul, il convient que des évolutions doivent y être rapidement apportées, par exemple :

  • Une meilleure articulation entre le scolaire et le supérieur : mieux intégrer les heures d’orientation dans l’emploi du temps des élèves, réviser les calendriers pour mettre en cohérence Parcoursup, les examens et l’orientation…
  • Mieux expliciter et maîtriser la manière dont les élèves sont évalués.
  • Accompagner de façon plus performante les équipes de direction dans la construction des emplois du temps : on l’a vu, un professeur ne peut à la fois préparer sérieusement le grand oral et terminer son programme.

Cela ne suffit pas aux enseignants ni aux syndicats qui dénoncent un calendrier infernal, pressuré par tous les bouts. Reporter les épreuves de spécialité en juin recueillerait l’unanimité, mais poserait la question de Parcoursup. Il faudrait renoncer à intégrer ces épreuves dans la proposition initiale des formations. 

Modifier un élément risque cependant de déstabiliser tout l’édifice. C’est pourquoi nombreux sont celles et ceux qui plaident pour sa remise à plat. Ne peut-on envisager des procédures moins rigides qui permettent de regagner du temps en juin, du moins dans les classes non impactées par l’orientation ?  

La solution, ou plutôt les solutions seront difficiles à trouver. Si l’heure n’est pas encore au bilan global de la réforme du lycée, celle-ci ne doit pas tarder pour autant. L’épuisement d’un corps professoral prisonnier d’un calendrier qui ne lui laisse aucun répit est réel. Les faiblesses de certains éléments du parcours proposé aux élèves de première et de terminale sont aussi pointées par une majorité de spécialistes de l’éducation. Le nouveau ministre de l’Éducation sera-t-il en mesure de répondre à ces enjeux majeurs ?

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