La réforme du Bac engagée depuis 2021 bouleverse en profondeur l’approche française de l’examen qui sanctionne la fin des études secondaires. Le Bac général a en effet fondamentalement évolué dans sa forme depuis 1969 : filières A, B, C, D et E ont été remplacées en 1995 par les filières S, ES et L. Depuis la réforme du Bac 2021, ces filières n’existent plus et sont replacées par des enseignements de spécialité. Aussi, la notation lors de l’examen a très clairement changé puisque désormais le contrôle continu compte pour 40 % et les épreuves terminales pour 60 %.
Cet article vous est proposé par Christophe Sanson, professeur certifié de mathématiques.
Pourquoi réformer ?
Initialement, il y a la volonté de redonner de la valeur au Baccalauréat qui, comme chacun sait, a perdu beaucoup de son lustre au fil des ans. En effet, il n’était plus étonnant que, malgré un 04/20 en Mathématiques, un élève de S soit reçu grâce à un généreux jeu de coefficients et d’options facultatives. On observe aussi une prolifération des mentions qui les vide bien entendu de leur sens : depuis une dizaine d’années, la mention «Assez Bien» est quasiment devenue la norme…
Il semblait également urgent d’introduire une partie de contrôle continu afin de valoriser et d’encourager la régularité dans le travail. Cette demande ancienne de certains enseignants a été entendue et c’est une bonne nouvelle d’autant que ce contrôle continu commence dès la classe de Première et compte désormais pour 40 % de la note finale.
L’intention initiale est donc sans aucun doute louable. Elle est à l’origine de la création de « Spécialités » dont les coefficients sont très importants (2×16%+5% soit 37% au total). Il s’agit désormais de s’assurer qu’un candidat ayant par exemple choisi des spécialités scientifiques maîtrise les fondamentaux dans les spécialités qui définissent la teinte dominante de son profil.
Un Bac « à la carte » pour une orientation post-bac définie
La réforme met fin aux anciennes filières S/ES/L et «décloisonne» les parcours. On ne peut que s’en réjouir. Elle donne plus de liberté aux élèves dans leurs choix et leur permet de passer un bac quasiment «à la carte», plus proche de leurs aspirations et profils propres. Par exemple, un élève attiré par les sciences expérimentales pourra choisir les spécialités SVT et SPC et faire moins de Mathématiques (en se limitant éventuellement aux 3h de «maths complémentaires» en Terminale par exemple). Celui qui envisage, quant à lui, un cursus en ingénierie choisira les spécialités SPC et Mathématiques (+ maths expertes) sans faire de SVT. Désormais de multiples combinaisons sont possibles dont certaines se rapprochent des regrettées séries A/B/C/D d’avant 1995 qui prenaient davantage en compte la diversité des élèves (rappelons-nous la filière A1 où se côtoyaient Maths, Littérature et Philosophie). Ces possibilités séduisantes mais aussi très impactantes pour l’orientation post-bac exigent de faire des choix qui peuvent s’avérer difficiles d’autant qu’ils doivent être faits tôt, c’est-à-dire dès la fin du deuxième trimestre de l’année de Seconde pour les vœux de spécialités et au milieu de l’année de Première pour envisager la spécialité à abandonner. Difficile aussi de tenir compte des progrès de l’élève avec un calendrier aussi «resserré».
Presque toutes les matières sont concernées par la réforme et les Mathématiques le sont particulièrement. En effet, celles-ci sortent du tronc commun, ce qui n’a pas manqué d’étonner voire d’inquiéter puisqu’un élève de Seconde n’aurait plus le choix qu’entre une spécialité Maths très exigeante et plus de Maths du tout. Pourtant, on sait que, même si l’enseignement supérieur devra s’adapter au nouveau Bac, les Mathématiques sont présentes dans de nombreuses filières non scientifiques, comme par exemple celles proposées par les écoles de commerce ou les universités de psychologie. Sans parler des concours administratifs ou de l’enseignement dans le premier degré qui comportent une épreuve de Mathématiques. Ne pas choisir la spécialité Maths fermerait donc des portes.
La conséquence évidente est que les classes de spé maths sont caractérisées par une hétérogénéité inédite : avec les critères de l’ancien Bac, on peut dire que le niveau des élèves d’un même groupe va de l’élève très fragile de ES à l’élève d’un très bon niveau de S présentant une réelle fibre Mathématiques. D’où des groupes qui, du point de vue du professeur, sont quasi ingérables et il est très difficile d’envisager une aide personnalisée à des élèves aux profils si différents.
C’est regrettable car les programmes sont riches et exigeants. Ils renouent avec «une certaine beauté des Mathématiques» peu à peu oubliée des programmes, en partie des nouveaux programmes du collège entrés en vigueur en 2016. Ils laissent par exemple davantage de place à une indispensable technique de calcul, proposent une approche de la fonction exponentielle dès la première, abordent à nouveau les équations différentielles, etc. On y trouve aussi des propositions très intéressantes comme l’approximation de pi par la méthode de Monte Carlo ou par celle des aiguilles de Buffon, l’approximation de e par méthode d’Euler ou celle de Bernouilli sous Python, l’étude de suites qui fascinent depuis longtemps les mathématiciens comme les suites de Fibonacci ou de Syracuse, etc. Autant de très beaux problèmes qui mériteraient plus de temps pour être abordés avec toute l’attention nécessaire. Plus généralement, le programme de première demanderait, pour être abordé sereinement et dans sa totalité, plus de 4h. C’est encore plus vrai avec l’introduction de la programmation informatique en langage structuré, une des grandes nouveautés du nouveau lycée : pour la première fois, on dépasse en effet l’apprentissage de l’algorithmique (anciennement sous Algobox, logiciel pédagogique d’initiation à l’algorithmique assez simple d’emploi) et l’Education Nationale introduit le code dans les programmes. On ne peut que se réjouir de voir nos élèves s’initier à la programmation fonctionnelle (et pas seulement procédurale) dans un langage orienté objet, Python, le deuxième langage informatique le plus utilisé au monde derrière JavaScript. Une telle ambition ne peut qu’être saluée mais pour la nourrir il faut du temps et malheureusement aucune dotation horaire spécifique à l’informatique n’a été prévue.
L’évaluation des Mathématiques en Terminale après la réforme
Venons-en à l’évaluation en Mathématiques et plus particulièrement celle des options en Terminale. Les Maths expertes pour les spé maths (3h optionnelles qui s’offrent aux élèves qui suivent les 6h de spécialité Maths en terminale) et les Maths complémentaires pour les autres (3h optionnelles pour tous les élèves qui le souhaitent qu’ils aient ou non suivi la spé Math en Première) sont aussi évaluées selon les modalités du contrôle continu. Elles seront créditées d’un coefficient de 4 si elles sont suivies depuis la Première et de 2 s’ils ne sont suivis qu’en Terminale. Les élèves de Terminale choisiront donc ces options dans l’optique de valoriser leur dossier Parcoursup et non plus simplement «pour la note».
Évoquons aussi la question du «Grand oral». Il s’agit de la nouvelle épreuve de ce nouveau Bac. Le Grand Oral repose sur les enseignements de spécialité : il s’agit d’un oral lors duquel le candidat devra répondre à une problématique et présenter de réelles compétences oratoires. En juin 2021, les premiers élèves se sont essayés à cet exercice nouveau. Les compétences attendues étaient certes disciplinaires mais pas seulement : ce qui a été – et ce qui est – valorisé est très clairement l’éloquence. Toutefois, si les professeurs peuvent accompagner les jeunes dans les savoirs lors des cours de spécialité, ce n’est pas le cas de l’oralité puisqu’à ce jour aucune heure n’est consacrée à la préparation « technique » du Grand Oral.
À quoi faut-il s’attendre pour la rentrée 2022 ?
La session du Bac de 2022 est transitoire et particulière puisque les élèves de Terminale auront connu les modalités de 2020-2021 en classe de Première et les derniers changements pour l’année 2021-2022. Les modalités d’évaluation sont celles du Bac 2023 : à savoir 40 % de contrôle continu sur les matières non évaluées en épreuves terminales et 60 % d’épreuves finales.