Article rédigé par une ancienne élève de la Prépa Sciences Po Cours Thalès, admise à Sciences Po Paris
Durant vos études en Institut d’Études Politiques (IEP) vous aurez l’occasion d’appréhender une grande variété de disciplines appartenant au spectre des sciences humaines et sociales, la pluridisciplinarité étant au cœur du projet pédagogique des Sciences Po. Ainsi, entre l’économie, la sociologie, le droit, l’histoire et la philosophie, vous étudierez la science politique. Discipline introduite au lycée dans la spécialité Histoire Géographie Géopolitique et Science Politique (HGGSP), elle reste pour autant assez méconnue des élèves, et demande à être découverte dès la première année. Alors qu’est-ce que la science politique ? Quelles sont son histoire et ses méthodes ? Quelle forme cette discipline prend-elle dans les IEP ?
Qu’est-ce que la science politique ?
Qui est choisi pour gouverner ? Comment débat-on au XXIe siècle ? Quelle est l’évolution des partis politiques ? Comment rendre le pouvoir le plus démocratique possible ? Sur quels critères se base la confiance populaire ? Assiste-t-on à un retour de la guerre ? Quelle place pour la religion en politique ? Toutes ces questions sont des sujets que vous pourrez croiser, et aborder en science politique.
Pilier de Sciences Po, au point que son nom en dérive, la science politique est une discipline complexe, mêlant de nombreuses méthodes et théories, ce qui en fait un pan de recherche particulièrement important pour les sciences humaines et sociales.
Avant toute chose, il semble important de définir la science politique en ce qu’elle est, et vis-à-vis de quoi elle se différencie. En effet, on confond souvent la science politique, au singulier, et les sciences politiques, au pluriel. Les deux sont proches, mais la distinction s’effectue via ce sur quoi on souhaite accentuer le propos : au singulier, on conçoit la science politique comme un domaine d’étude, c’est-à-dire la science du pouvoir et de l’État, tandis qu’au pluriel on s’intéresse davantage à la multiplicité des disciplines contenues au sein de la science politique. En effet, les sciences politiques sont nombreuses : économie, sociologie, géopolitique ou encore philosophie sont essentielles afin de comprendre le monde politique.
Ainsi, pour comprendre le sens même de la science politique, il est indispensable de définir le sens même de politique : c’est une activité qui se fonde sur la conscience de l’existence de conflits internes à la société, d’un point de vue tant économique que social, et qui s’invente dans la nécessité d’offrir un arbitrage à ces différends. L’objectif est donc la stabilisation de la société, afin d’éviter sa chute. Ainsi, la science politique va s’intéresser à tout ce qui attrait à la société et à ses divergences internes, afin de la comprendre, de l’analyser, et d’assurer sa longévité.
Pensée comme une véritable science, au sens de discipline méthodique cherchant à tester des hypothèses et à définir des théories, la science politique fonctionne donc avec une méthodologie particulière, et des outils spécifiques qu’elle emprunte aux différentes disciplines qui la constituent. Au croisement des sciences humaines et sociales, elle se différencie donc en les unifiant. Aussi, les scientifiques qui étudient la politique sont appelés des politologues.
L’histoire de la science politique
La science politique est une discipline qui s’est structurée à la fin du XXe siècle, dans un échange permanent entre universitaires américains. Pour autant, elle tire ses racines de bien plus tôt, dès l’Antiquité : on retrouve en effet dans la Philosophie politique de Platon et dans les écrits d’Aristote, avec son ouvrage Politique, les premières traces de théories de ce genre. Par la suite, les auteurs du Moyen- ge, influencés par la prégnance religieuse de l’époque, se sont davantage intéressés aux questions théologico-politique, particulièrement à propos des limites posées entre pouvoir temporel et spirituel.
Aussi, un des premiers ouvrages unanimement considéré comme de “théories politiques” est Le Prince, de Nicolas Machiavel. Écrit au cours du XVIe siècle, il dévoile plusieurs des thèses centrales de la science politique, et reste à ce jour une ressource littéraire indispensable dans l’étude des sciences humaines et sociales. Pour l’anecdote, le logo de l’IEP de Paris est d’ailleurs librement inspiré d’une des théories de Machiavel, pour qui le bon gouverneur se doit d’emprunter à la fois au lion, symbole de force et de courage, et au renard, animal de ruse et d’analyse.
Par la suite, nombre de théoriciens et de philosophes vont s’intéresser aux questions qui meuvent aujourd’hui la science politique, notamment au siècle des Lumières. De Rousseau à Montesquieu, ce sont de nombreux auteurs qui vont écrire sur ces sujets, et s’affronter par théories interposées autour de la démocratie, du peuple, ou encore du pouvoir.
Pour autant, la formalisation à proprement parler de la science politique débute à la fin du XIXe siècle, où un besoin de rationalisation de l’État intervient : de la France, en difficulté suite aux guerres franco-prussiennes et à la défaite de Sédan, aux États-Unis d’Amérique, les scientifiques des grandes puissances sont à la recherche de moyens de rendre l’action gouvernementale plus efficace face aux changements sociétaux. Ainsi, le Professeur Wilson de l’université de Princeton, futur Président des États-Unis d’Amérique, fonde sur les dernières années du XIXe siècle un courant d’étude : la public administration. Dans la même idée, Émile Boutmy invente en 1872 l’École Libre des Sciences Politiques (ELSP), ancêtre de Sciences Po. L’objectif affiché est donc clair : former des élites gouvernantes capables, alertes quant à l’état du monde, et prête à adopter des mesures efficaces pour adapter l’État aux évolutions du présent.
En ouvrant ce pan de recherche, les scientifiques du domaine se multiplient, et commencent à publier leurs ouvrages : c’est le cas d’André Siegfried, considéré comme le père de la science politique en France, qui présente en 1913 son étude Tableau politique de la France de l’Ouest sous la IIIe République. Il y propose une explication scientifique de l’inclinaison politique des français, via des analyses tant économiques que socio-historiques. Autrement dit, il cherche à comprendre ce qui influence inconsciemment certains français à voter à gauche, quand d’autres se tournent davantage vers la droite.
Peu après, Paul Lazarsfeld publie The People’s Choice, ouvrage central et fondateur de l’analyse politique. Progressivement toutefois, la science politique se structure autour de deux pôles : l’un inspiré par la science économique et la rationalité, et l’autre influencé par la psychologie cognitive, qui s’appuie particulièrement sur les méthodes expérimentales des enquêtes de terrain.
Méthodes en science politique
La science politique peut se distinguer en trois pans principaux : la politique comparée, la théorie politique et les relations internationales. Celles-ci ont chacune leurs méthodologies, et des objectifs différents. Toutefois, elles ont toutes comme raison d’être de permettre la compréhension de la société, en bâtissant une science solide basée sur des théories rigoureusement démontrées.
La politique comparée, dans un premier temps, a pour objet de classer les différents phénomènes politiques. Prenons un exemple pour expliciter ce fait : la thématique de la démocratie, chère à la science politique. Pour aborder ce thème, la politique comparée pourra faire le choix d’opposer les différentes conceptions de la démocratie, entre directe, représentative ou libérale, mais aussi de comparer la mise en place et les conséquences de la démocratie en France et en Norvège. Ainsi, des idéaux-types et des classifications peuvent naître, et bâtir des thèses politiques variées.
La théorie politique, pour sa part, possède une dimension normative importante, mais aussi prescriptive : au croisement avec la philosophie, la théorie politique cherche donc à la fois à expliquer ce qui est, et pourquoi, et à indiquer ce qui devrait être. Ainsi, on retrouve trois dimensions importantes dans ce pan de la discipline : la théorie politique cherche d’abord à définir les concepts qu’elle étudie, c’est la phase descriptive, puis elle va les analyser pour mieux les comprendre et saisir tous leurs tenants et aboutissants, avant de passer à une phase évaluative. Dans cette dernière, elle émet des jugements quant à la légitimité des phénomènes politiques en place, et va émettre un avis sur la meilleure façon d’agir.
Aussi, bien que la théorie politique soit centrale pour bien comprendre les phénomènes étudiés en science politique, elle est aussi très critiquée pour l’universalisme qu’elle tente de joindre, et reste assez peu développée dans les chaires de recherche.
Enfin, les relations internationales constituent une sous-catégorie de la science politique qui intéresse souvent beaucoup les étudiants et candidats à Sciences Po. En effet, elles apparaissent comme pleinement ancrées dans l’actualité, touchant des sujets ayant attrait aux conflits mondiaux, à la diplomatie et aux gouvernances internationales. Aussi, les relations internationales ne se résument pas à l’étude des relations inter-étatiques, mais s’étendent à la compréhension, l’analyse et la modélisation des relations entre acteurs de la société, que ce soit des États, des membres de la société civile ou des organisations supranationales.
Ainsi, la science politique regroupe des approches variées, ce qui en fait une discipline complexe. Toutefois, et malgré les différences dans les objets d’étude ou les objectifs que se fixent ces catégories de la science politique, elles gardent néanmoins des méthodologies communes. Ainsi, les recherches en science politique vont s’appuyer à la fois sur certaines méthodes de l’économie, basées notamment sur la modélisation et l’étude quantitative des faits via les sondages, mais aussi sur d’autres empruntant davantage au registre de la sociologie, voire de la psychologie humaine, en travaillant sur des données qualitatives, reposant par exemple sur des entretiens et des observations axiologiquement neutres (on entend par là que ces descriptions doivent être les plus objectives possibles, et s’abstenir au maximum de jugements).
En somme, la science politique s’arme donc des disciplines qui la constituent pour traiter ses objets d’étude. Il est ainsi difficile de lister l’ensemble des méthodes qu’elle met en place, puisque celles-ci dépendent des chercheurs qui s’intéressent à la question, et des sciences politiques mobilisées pour y répondre.
Programme en science politique
Le programme en science politique est variable selon les Instituts d’Etudes Politiques. Toutefois, certains thèmes se croisent, et se retrouvent dans les cours de première année de chacune de ces universités. C’est notamment le cas des thématiques touchant à la démocratie, au totalitarisme, à l’État, au vote, à l’élitisme ou encore au pouvoir.
Par exemple, en 2024, le programme du cours d’introduction à la science politique de Sciences Po Paris s’intéressait au déclin des partis politiques, au retour de la guerre dans le monde, à la régression démocratique, à la communication politique sur les réseaux sociaux ou encore au modèle de gouvernance internationale de l’Union Européenne.
Quelques références bibliographiques
En vue d’approfondir vos connaissances et vos références de science politique, vous trouverez dans la lecture votre meilleur allié : permettant de vous approcher des thèses originales qui fondent la discipline, cela vous permettra aussi d’aiguiser votre esprit critique en comparant les différentes théories auxquelles vous aurez accès.
Ainsi, voici quelques recommandations (non exhaustives) d’ouvrages que vous pouvez aisément appréhender durant le lycée ou l’été, pour découvrir la science politique ou compléter vos savoirs sur le sujet durant la préparation aux concours des différents instituts d’études politiques :
- Les Politiques, Aristote
- Le Léviathan, T.Hobbes
- Le Prince, N.Machiavel
- L’art de la guerre, S.Tzu
- La civilisation des moeurs, N.Elias
- De la démocratie en Amérique, A.de Tocqueville
- Introduction à la communication politique, P.Aldrin et N.Hubé
- Penser l’État, P.Braud
- Le savant et le politique, M.Weber
- Principes du gouvernement représentatif, B.Manin
- Questions de sociologie, P.Bourdieu
- Discours de la servitude volontaire, E.de la Boétie
- Les origines du totalitarisme, H.Arendt
- Du Contrat Social, J.J.Rousseau
La science politique est donc une discipline d’une immense richesse, et que vous ne cesserez d’explorer à Sciences Po et dans les Instituts d’Étude Politique : elle permet de comprendre la société et son organisation, pour mieux analyser les enjeux du présent. Centrale pour saisir l’actualité, elle demande néanmoins des qualités pluridisciplinaires afin de traiter des différents objets d’étude.