Publié le 30 septembre 2024 par Chloé de Cours Thalès.
Jusqu’en 2023, les étudiants en médecine qui terminaient leur externat, soit six ans après avoir commencé leurs études, étaient confrontés aux ECN, les Épreuves Classantes Nationales. Leur note et leur classement à cet examen déterminaient leur future carrière : spécialités médicales et lieu de la poursuite des études, c’est-à-dire de l’internat. Cet examen qui se déroulait sur plusieurs jours en fin de 6e année a laissé la place à une organisation repensée, comprenant des épreuves nouvelles, un calendrier bouleversé et des perspectives légèrement différentes. Autant dire qu’il s’agit d’une véritable révolution, qui vient s’ajouter à la réforme des études de santé mise en place voici quelques années. De quoi s’agit-il exactement ? Toutes les explications sur ce nouvel examen qui n’a sans doute pas fini de recueillir des critiques…
En vingt ans, les ECN avaient déjà bien évolué
Les épreuves classantes nationales ou ECN ont été créées en 2004. Elles venaient à l’époque remplacer le concours de l’internat que seuls les étudiants souhaitant devenir spécialistes passaient. Les futurs généralistes continuaient le cursus d’études dans leur faculté, sans autre examen.
Lorsque les ECN ont été créées, il s’agissait de faire monter en compétence la médecine générale et de revaloriser cette profession. Tous les étudiants en médecine s’affrontaient ainsi à un examen commun dont le principe reposait sur un classement national. Mêmes épreuves, mêmes barèmes, les milliers de candidats étaient donc classés du premier au dernier, selon leur note globale. Le choix des voies d’études se faisait sur le classement : les premiers pouvaient choisir les postes qu’ils souhaitaient et, à mesure que l’on avançait dans les rangs, le nombre de postes diminuait. De fait, la médecine générale comme certaines autres spécialités, la psychiatrie, la santé publique ou la médecine au travail revenaient très majoritairement aux étudiants dans la seconde moitié inférieure du classement.
Les épreuves des ECN ont évolué au fil des ans. De l’étude de cas cliniques, elles ont évolué vers une série de QCM, questionnaires à choix multiples, testant les connaissances théoriques des étudiants. Il existait également une épreuve de lecture critique d’article scientifique. Cette transition ne reposait pas uniquement sur des raisons pédagogiques. La correction des ECN « études de cas » mobilisait en effet pendant des jours entiers de très nombreux professeurs de médecine, coûtant ainsi très cher tant financièrement qu’en temps.
À l’issue des ECN, en fin de 6e année d’études, les étudiants poursuivaient ainsi leur parcours en devenant internes pendant 3 ans au minimum dans une structure hospitalière.
Quelles sont les motivations derrière la réforme des ECN ?
Les ECN, on l’a vu, portaient uniquement sur des connaissances théoriques. Le bachotage était donc obligatoire pour tenter d’obtenir une « bonne » place. Par contre, les trois années d’externat (4e, 5e et 6e année des études) n’étaient aucunement prises en compte. De même, l’évaluation des compétences pratiques, indispensables au métier de médecin, n’était pas incluse dans les épreuves.
Le manque d’adéquation entre les épreuves des ECN et les compétences cliniques nécessaires dans le monde professionnel a conduit à une demande croissante pour une réforme. Cette situation entraînait ainsi un écart entre la formation académique et les besoins réels des hôpitaux et des structures de santé, où la capacité à gérer des situations cliniques est primordiale.
La réforme des ECN 2024 vise ainsi à moderniser le processus d’évaluation en introduisant une approche basée sur les compétences pratiques et l’évaluation continue. Cette nouvelle organisation a pour objectif avoué de mieux cibler l’évaluation entre théorie et pratique.
Un autre objectif était également de réduire le stress des étudiants. Était-ce un alibi ou une volonté sincère des réformateurs ? On le verra plus loin, cet objectif n’a pour l’instant pas été atteint…
Les principales nouveautés de la réforme des ECN 2024
La réforme des ECN en 2024 introduit une refonte complète des modalités d’évaluation.
1 – Un calendrier remanié
Jusqu’alors, les étudiants étaient amenés à passer l’examen en fin de 6e année. Celui-ci portait sur l’ensemble des connaissances médicales apprises pendant leur cursus universitaire. Mais désormais, les épreuves sont scindées en deux parties : des épreuves « théoriques » en début de 6e année, en octobre, puis des épreuves plus pratiques au printemps de la même année. Cela signifie que les connaissances exigées, qui sont du même niveau qu’auparavant, devront être connues dès la fin de la cinquième année, soit avec un an de moins pour les assimiler.
De plus, alors qu’avec les ECN les étudiants faisaient leur choix de spécialisation une fois leur classement connu, la nouvelle organisation leur impose désormais de réfléchir dès le début de la 6e année à leur orientation et de déterminer celle-ci avant de passer les épreuves pratiques.
C’est pourquoi les connaissances et compétences qui seront évaluées lors des examens sont segmentées en plusieurs types.
- Les connaissances de rang A sont les connaissances exigibles pour tout médecin.
- Les connaissances de rang B sont, elles, exigibles pour les internes en premier semestre de spécialité. Elles sont donc évaluées en fonction des choix d’orientation du candidat.
- Enfin, les connaissances de rang C, ou connaissances de surspécialisation ne sont pas évaluées au cours de l’examen
2 – Des épreuves théoriques et pratiques
Les épreuves écrites ou EDN
Une première série d’épreuves, les EDN, soit les épreuves dématérialisées nationales, est censée évaluer les connaissances théoriques des étudiants. Celles-ci portent sur les connaissances de rang A et se déroulent pendant quatre demi-journées sur trois jours.
Elles comportent :
- Une épreuve de lecture critique d’articles de 3 heures, avec 2 articles, chacun étant accompagné de 13 à 17 questions.
- 3 épreuves de 3 heures chacune, toutes effectuées sur tablettes numériques. Pour chaque épreuve, ce sont entre 90 et 110 questions auxquelles les candidats doivent répondre.
Au sein de chacune de ces trois sessions hors LCA, plusieurs formats de questionnement pourront être posés :
- Des mini DP, ou dossiers progressifs, composés de 3 à 8 questions. Il s’agit d’évaluer la capacité de l’étudiant à prendre en charge un patient tout au long de son parcours, de l’arrivée à l’hôpital jusqu’à son traitement.
- Des KFP ou Key Feature Problems : ce sont des DP de 3 questions destinés à tester la capacité à prendre des décisions. Il faut d’abord déterminer un problème clinique (diagnostic), puis énumérer un certain nombre de situations auxquelles le problème clinique a été confronté. Une fois cela établi, l’étudiant doit alors répondre à des questions destinées à montrer qu’il a bien compris le cas et qu’il a les bons réflexes dans les différentes options de soins.
- Des Tests de concordance de scripts (TCS) : à partir de vignettes courtes décrivant des situations cliniques posant problème sont proposées des options ou hypothèses possibles. Pour chacune d’elles, une nouvelle information est alors proposée ; l’étudiant doit décider si celle-ci augmente, diminue ou est sans conséquence sur la pertinence de cette option.
- Des questions isolées, nécessitant des réponses ouvertes.
Dans tous les cas, les questions se présentent sous différents formats :
- Les Questions à réponse ouverte et courte ou QROC,
- Les QCM, questions à choix multiples,
- Des zones à pointer.
Les épreuves orales ou ECOS
Les examens cliniques objectifs et structurés (ECOS) portent sur les connaissances de rangs A et B. Elles prennent la forme de sessions orales proposant des mises en situation. Chaque candidat doit passer deux sessions, chacune comportant cinq ateliers cliniques appelés stations. Il s’agit de mises en situation, chacune d’une durée de 7 à 10 minutes.
L’étudiant passe devant un jury de professeurs, maîtres de conférences et praticiens hospitaliers qui va juger ses compétences au cours de ces dix mises en situation. Celles-ci sont choisies parmi 365 situations cliniques de départ. Elles s’organisent autour de cinq thématiques :
- Les symptômes et signes cliniques,
- Les données paracliniques (analyse d’examens : électrocardiogrammes, prises de sang, etc.),
- La prise en charge aigüe et chronique (préparation à des examens endoscopiques, évaluation de la douleur et prise en charge, etc.),
- La prévention,
- Des situations diverses (accidents du travail, annonce d’une maladie grave…).
3 – Une notation éliminatoire
Contrairement aux ECN, à l’issue desquels les étudiants passaient sans discrimination à l’internat, ces nouvelles épreuves peuvent barrer la route des candidats qui seront alors amenés à redoubler leur 6e année.
En effet, des notes minimales sont demandées.
Pour les EDN, un minimum de 70 % de bonnes réponses est exigé, soit une note minimale globale de 14/20. En deçà, les étudiants doivent passer une session de rattrapage en janvier. S’ils n’ont toujours pas atteint le nombre suffisant de bonnes réponses, ils ne peuvent se présenter aux ECOS.
Toutes les notes obtenues pour chacune des « stations », soit les dix notes, sont prises en compte. Chaque note doit être égale ou supérieure à 10/20 pour être validée. Autrement dit, il faut un minimum de 10/20 à chacune des dix « stations » pour pouvoir passer en troisième cycle, l’internat. Une seule station inférieure à 10/20 implique un redoublement.
4 – Un choix de spécialisation qui se complexifie
On l’a vu plus haut, après les ECN, c’était la place dans le classement qui déterminait le choix de la spécialisation. Ce n’est plus tout à fait le cas désormais.
Trois notes comptent désormais :
- Le parcours de l’étudiant : son évaluation lors des années d’externat, compte pour 10 % d’une note globale,
- Les épreuves de l’EDN participent à 60 % pour la note finale,
- Et les ECOS à 30 %.
De plus, la procédure est totalement différente. Au lieu d’un classement unique, il existe 13 groupements de spécialités, au sein desquels le classement des étudiants diffère. En effet, il faut faire des vœux de spécialité. Les notes de chaque candidat sont alors pondérées dans chaque groupement par ses résultats aux épreuves de connaissance de rang A et surtout de rang B, pondérées en fonction des spécialités demandées. Un algorithme d’appariement est censé proposer la spécialité et l’université les plus en phase avec les souhaits de l’étudiant.
Une première mise en œuvre qui effraie les étudiants
Les changements importants apportés à l’examen ont eu un effet massif : la première année de la mise en œuvre des nouvelles modalités d’examen, un nombre impressionnant d’étudiants a choisi de redoubler sa cinquième année, soit celle avant le passage de l’examen. La peur de l’inconnu et surtout de ne pas pouvoir accéder à la spécialité souhaitée a motivé 1500 d’entre eux à suivre de nouveau les enseignements de 5e année, espérant acquérir les bases suffisantes pour réussir les EDN puis les ECOS.
On ne peut pas affirmer que ce qu’a vécu le contingent des 7900 candidats qui se sont présentés en 6e année est de nature à complètement les rassurer. 276 d’entre eux ont été recalés à l’issue des EDM, et 68 aux ECOS. Il reste à mesurer la réussite de l’algorithme distribuant les postes d’internes. Les retours prochains des futurs internes seront un indicateur important de la réussite de cette réforme qui, peut-être, connaîtra quelques aménagements.