Les nouvelles modalités d’accès en deuxième année d’étude de santé vont-elles rétablir un sentiment d’équité malmené chez les étudiants ?

Prépa Médecine Anticipée

La dernière grande réforme des voies d’accès aux études de santé appliquée dès 2020 a connu maintes difficultés de mise en œuvre. Depuis, des modifications marginales ont permis de réduire les scories sur un certain nombre de points. Parmi ceux-ci, la liberté laissée aux universités de choisir précisément le type d’épreuves et leur pondération en fin de PASS ou de LAS. L’hétérogénéité de ces examens d’entrée à travers le territoire avait amené certains étudiants à solliciter le Conseil d’État afin qu’il abroge cette inégalité entre candidats. Une décision de la juridiction administrative fin décembre 2023 enjoignait au gouvernement de modifier la disposition contestée. C’est désormais chose faite, par un décret du 5 juillet 2024. Qu’est-ce que ce décret va changer dans l’organisation des épreuves d’accès une seconde année d’études de santé ? Et cela suffira-t-il à contrer le déficit persistant de médecins ?

Les nouvelles modalités d’accès en 2e année d’étude de santé

Quel était le problème ?

Depuis la réforme, chaque année, des étudiants aux notes excellentes dans les matières indispensables aux études de santé se voyaient malgré tout recalés aux examens universitaires. L’accès au cursus tant espéré leur était refusé sur la base d’épreuves sans rapport avec la Santé dotées d’un barème jugé exorbitant. Le problème venait plus spécifiquement d’une épreuve d’oral laissée à la discrétion des facultés. Description analytique d’un tableau, exégèse d’un texte littéraire… lorsque la note d’oral compte pour 50 % ou plus — dans certains cas, elle atteignait 70 % de l’ensemble — dans la note finale d’admission, tout devient possible, y compris l’élimination de candidats doués et motivés.

C’est pourquoi un collectif (le collectif PASS-L.1AS 21) s’était emparé du sujet et avait déposé une requête devant le Conseil d’État. Ce dernier avait donc admis le bien-fondé de la requête et demandait au gouvernement de produire un décret prévoyant « précisément, au niveau national, les conditions d’accès en deuxième année du cycle de santé ». Autrement dit, ce n’est pas aux universités de fixer leurs propres modalités, puisqu’il s’agit d’un examen/concours national.

Le décret du 5 juillet 2024 conduit à une uniformisation des épreuves orales

Le décret du 5 juillet 2024, publié à la suite d’une décision du Conseil d’État, vise à homogénéiser les conditions d’admission en 2e année d’étude de médecine, pharmacie, odontologie et maïeutique dans toutes les universités françaises, en donnant des règles claires là où régnait un certain flou. Celles-ci s’appliqueront dès la fin du premier semestre 2025.

  • Les oraux comptent pour 30 % de la note finale. Toutefois, l’autonomie des universités est ménagée, celles-ci pouvant faire varier ce pourcentage dans une marge de 5 % (entre 25 % et 35 % donc) ;
  • L’oral se déroule en deux, trois ou quatre épreuves, chacune d’une durée de dix minutes hors temps de préparation.
  • Le décret précise également les critères de notation : les « compétences transversales » évaluées lors de ces épreuves orales correspondent à « l’aptitude à l’analyse et à la synthèse, à l’expression orale, à la communication, au travail individuel et collectif, au repérage et à l’exploitation de ressources documentaires ». Sont aussi de la partie les « compétences numériques et de traitement de l’information et des données ».
  • On demande de plus aux candidats « de démontrer, à partir de modalités d’évaluation différentes de celles mises en œuvre lors des épreuves du premier groupe, qu’ils disposent des compétences nécessaires pour accéder aux formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique »,
  • Les universités ont l’obligation de proposer un module spécifique de préparation des oraux.

Ainsi, chaque candidat saura un peu mieux à quoi s’en tenir. L’oral qui, dans certains établissements, ne répondait à aucun critère précis susceptible d’orienter les révisions devient à la fois plus compréhensible et plus facile à anticiper. Certes, les éléments sur lesquels les jurés jugeront les candidats restent très larges et divers. Toutefois, on peut espérer que si les universités mettent en place un module de préparation aux oraux, cela signifie que les jurys seront tenus de se conformer au programme enseigné et à des critères de notation spécifiques.

 

 

Les défis actuels de la sélection et les perspectives à long terme

En établissant des règles un peu plus claires et une certaine uniformité sur tout le territoire, le décret gouvernemental vient apporter un peu d’équité dans les épreuves de passage en seconde année d’études de santé. C’est une avancée notable. Mais un autre défi, bien plus important encore, devrait être relevé pour garantir à tous les résidents en France un accès équitable et performant au système de santé. Or, pour y parvenir, il est indispensable de former plus de professionnels de santé.

Une augmentation du nombre de places au risque de lourds défis logistiques

Rappelons quelques chiffres inquiétants, qui manifestent une fracture territoriale dramatique. Aujourd’hui, on estime que 11 % de la population n’a pas de médecin traitant. Pire, près d’un tiers des Français vivent dans un désert médical, à plus de 100 km d’un hôpital. Parmi les facteurs explicatifs de ce phénomène, on trouve la conjonction de deux éléments : le vieillissement des médecins généralistes et des recrutements d’étudiants en médecine longtemps freinés par un numerus clausus trop restrictif.

L’heure est donc à l’ouverture de places supplémentaires en études de santé. Mais il faut savoir qu’un étudiant en médecine débutant ne pourra pratiquer sa profession de plein exercice qu’une dizaine d’années plus tard. L’urgence n’a, semble-t-il, pas été assez anticipée, ni les volumes de nouveaux médecins nécessaires. C’est pourquoi le Premier ministre a lancé des pistes de travail en avril 2024 afin de parvenir le plus rapidement possible à une solution satisfaisante. Il s’agit tout simplement d’augmenter sensiblement le nombre de places en seconde année d’études de santé, après un PASS ou une LAS. Cette année même dont l’accès a été rendu parfois difficile aux meilleurs étudiants par une procédure inégalitaire qu’un décret vient, enfin, d’améliorer.

L’annonce de l’ancien Premier ministre ne vaut évidemment pas engagement pour ses successeurs. Alors qu’en 2024, comme les années précédentes, un peu plus de 9 000 étudiants ont commencé les études de médecine, l’ambition gouvernementale est forte : passer à 12 000 admis en seconde année en 2025, puis augmenter progressivement le nombre d’étudiants pour parvenir à 16 000 qui commencent leurs études de santé en 2027.

La France a-t-elle la capacité de relever ce défi ?

Cependant, cette hausse envisagée du nombre de places pose des questions interdépendantes.

Les moyens suffisants seront-ils affectés à une augmentation si spectaculaire ? En trois ans, comment multiplier par 1,7 le nombre de places en seconde année de médecine — et donc les années suivantes démultiplier dans de mêmes proportions le nombre d’externes puis d’internes — ? La charge en revient évidemment aux facultés de médecine. En moyenne cela revient à créer, dans chaque université de médecine en France, 120 places supplémentaires. On imagine bien les problèmes de locaux et d’enseignants. Comment trouvera-t-on la place nécessaire, comment paiera-t-on les nouveaux enseignants si tant est qu’ils existent ? Car former 6000 étudiants de plus dès 2027 demandera plus de quelques enseignants et d’heures supplémentaires. En a-t-on tout simplement les ressources actuellement ?

Cela ne risque-t-il pas de dégrader la qualité des formations ? Il n’est pas impossible, en effet, que dans sa volonté d’atteindre cet objectif louable, et sans budget adapté, le gouvernement ne choisisse une solution classique : réaffecter des moyens nécessaires à l’hôpital pour les enseignements (par exemple, demander aux professeurs de médecine de faire encore plus de cours), s’arranger avec les jauges, amoindrir l’exigence et alléger la densité des savoirs requis, augmenter le nombre d’étudiants par cours… cela reviendrait en effet à baisser globalement le niveau de connaissances et de compétences. Souhaite-t-on plus de médecins, mais moins bien formés ? Il n’est pas certain que cela réponde aux attentes des patients.

Enfin, ces jeunes étudiants vont poursuivre leur formation en stages d’externat, puis d’internat. Si les internes sont la cheville ouvrière des services hospitaliers, un trop-plein d’étudiants dans les services risque de poser d’autres problèmes : manque d’encadrement, désorganisation, apprentissage pratique moins efficient…

Aucun de ces trois risques n’est inévitable. Toutefois, dans un pays à la recherche d’économies substantielles pour diminuer son important déficit, on peut légitimement s’interroger sur nos capacités à relever une ambition pour autant indispensable.

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