Les étudiants lillois ont dû repasser une épreuve du PASS

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Les concours et les examens en France sont conçus pour garantir l’égalité entre tous les candidats, assurant que chacun ait les mêmes chances de réussite. C’était l’idée de Napoléon 1er qui lança en son temps la « méritocratie ». Cependant, des erreurs ou des événements imprévus peuvent parfois nécessiter le report d’une épreuve, au grand dam des candidats. Est-il juste de faire repasser une épreuve pour une faute des organisateurs ? La souffrance des candidats a-t-elle jamais été prise en compte ? Un cas de ce type s’est produit à Lille en mai 2024, à la fin de l’année de PASS. Une épreuve du concours a été reportée, suscitant la colère des étudiants.

Erreur, procédure douteuse et triche possible : les ingrédients qui ont attisé la colère des étudiants en PASS

Que s’est-il passé à Lille ?

L’année de PASS est une année notoirement très difficile, exigeant des étudiants un engagement et un effort constants. Un programme très chargé, alourdi depuis la réforme des études de santé par une matière « mineure », doit être compris et mémorisé en quelques mois. C’est le sésame pour espérer passer en filières MMOPK. La compétition est très forte, moins de 20 % des candidats réussissant à franchir cette étape, d’autant qu’ils ne peuvent pas redoubler leur année de PASS. Ceux qui échouent ont le choix de poursuivre leurs études dans la mineure choisie dans leur parcours, s’ils réussissent l’examen, ou de s’inscrire en L.AS option santé pour tenter une seconde fois d’accéder à ces études.

C’est dans ce contexte de stress intense que les événements à Lille ont exacerbé les tensions. Le jour de l’épreuve de biostatistiques, une série d’erreurs organisationnelles a perturbé les étudiants. Le matin de l’épreuve, lors de la remise des sujets, les candidats ont découvert qu’il manquait une feuille sur les deux du sujet proposé. Il a fallu plus d’une heure aux organisateurs pour faire imprimer et distribuer la feuille manquante, pendant que les étudiants attendaient debout, à côté de leur table, dans la salle d’examen. Toujours est-il que l’épreuve a pu reprendre et que les élèves ont finalement composé normalement.*

À la fin de la semaine de concours et de la dernière épreuve, les étudiants ont appris par email que l’épreuve de biostatistiques était annulée en raison de cas de fraude massive. « Les perturbations pendant l’épreuve de biostatistiques de mardi dernier conduisent à prendre la décision d’annuler cette épreuve », a déclaré l’université. Le doyen a expliqué que le personnel de surveillance avait observé des élèves communiquant entre eux pendant la suspension de l’épreuve. Pour éviter toute inégalité de traitement et le risque de voir l’épreuve annulée par le tribunal administratif, l’épreuve a été reportée.

Pourquoi les étudiants lillois ont-ils protesté en masse ?

Pour remédier à cette situation, l’université a convoqué les étudiants pour une nouvelle épreuve de biostatistiques le 1er juin. Si le doyen a exprimé ses regrets concernant ce dysfonctionnement d’ampleur qui a entraîné cette décision, il s’en tenait à l’idée qu’il était nécessaire de rétablir les règles d’équité. Mais cette décision a été perçue comme une injustice par de nombreux candidats, qui voyaient plutôt dans cette nouvelle épreuve la vraie source d’iniquité.

Ce qui choquait une partie des étudiants était cette inégalité entre eux : ceux qui avaient révisé jusqu’au dernier moment l’épreuve de biostatistiques et qui avaient, sans tricher, bien réussi se retrouvaient à tout recommencer. Et ils mettaient en cause le fait que certains concurrents qui avaient peut-être fait l’impasse sur la matière allaient avoir une quinzaine de jours pour se consacrer à des révisions ou des apprentissages de dernière minute. Selon eux, l’équité existait au moment de l’épreuve initiale, et elle était bafouée par la décision de repasser la matière.

« L’épreuve va être refaite dans un délai de deux semaines, ce qui va laisser aux gens qui ont peut-être fait l’impasse sur l’épreuve de biostatistiques de réviser. Ça va causer un problème d’équité », a protesté par exemple Gabriel. En réponse, une pétition a été lancée par les étudiants pour s’opposer à cette décision, recueillant plus de 8 400 signatures en une semaine. Les étudiants réclament une solution plus rationnelle, comme l’annulation de l’épreuve ou la modification de son coefficient. Cela est dû en partie à ce que nous signalions plus haut : le faible nombre de places au concours par rapport au nombre de candidats. « J’ai cartonné j’en suis sûre. Donc je serais dégoûtée de rater la seconde fois. On doit payer les pots cassés du manque d’organisation de la fac en revenant un samedi matin », expliquait une étudiante.

De plus, la fin des épreuves du concours marquait le début des congés pour les candidats. Une partie d’entre eux avaient déjà planifié leurs vacances ou des engagements personnels. « Je pense à la meuf de promo qui a pris ses billets pour la Réunion », a témoigné Lina, illustrant les conséquences pratiques de ce report.

Repasser une épreuve après la fin d’un concours c’est aussi exposer les aspirants médecins à se remettre dans une logique compétitive. « Quand je suis au concours, je recrache tout et je sors libre. Devoir se remettre dans les révisions c’est dur. C’est encore une pression. C’est vraiment cruel », déclarait Salomé, une étudiante en larmes.

Les erreurs d’organisation pendant les examens et les concours sont de plus en plus mal tolérées

Si les étudiants lillois ont finalement repassé l’épreuve malgré leur colère, d’autres dysfonctionnements ont également touché le concours de l’internat cette année. Certes, les étudiants ne concouraient plus pour avoir le droit un jour d’exercer la médecine, mais pour leur place à l’internat ; celle-ci détermine le choix de la spécialité, ce qui est loin d’être anodin.

La dixième et dernière épreuve du concours a en effet été annulée en raison de « fuites ». Les étudiants, qui travaillaient sur les Épreuves Classantes Nationales (ECN), ont été particulièrement éprouvés par une journée réellement chaotique :

  • L’énoncé du sujet initial contenait de nombreuses erreurs, obligeant les organisateurs à annuler l’épreuve.
  • Plus tard, dans l’après-midi, un nouveau sujet a été distribué, mais des problèmes logistiques, tels que le manque de copies dans certains centres d’examen, ont retardé le début de l’épreuve.
  • Les étudiants de Rhône-Alpes ayant déjà reçu le sujet avant le début de l’épreuve n’ont pas manqué d’en profiter pour diffuser le sujet, ce qui a conduit à une deuxième annulation de l’épreuve.

On n’aura pas de mal à imaginer les montagnes russes d’adrénaline chez les futurs médecins, et leur déconfiture en fin de journée. Rien d’étonnant alors à ce que certains d’entre eux aient prévu de manifester devant le ministère de la Santé pour demander l’annulation pure et simple de cette épreuve. À cette occasion, la présidente de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) a révélé qu’environ 87 % des répondants à un sondage, soit la moitié des 7200 candidats à cette épreuve et 5660 autres étudiants en médecine, étaient en faveur de cette annulation. L’ANEMF critique sévèrement la gestion de l’examen, qualifiant l’administration d’amateurisme.

Évidemment, comme dans le cas du PASS Lillois, l’administration n’est pas revenue sur sa décision et les candidats ont tous recommencé une troisième fois.

Faut-il sanctionner d’éventuelles « tricheries » lorsque l’administration qui organise le concours a commis des erreurs compromettant des épreuves ?

Lorsqu’un concours est marqué par des erreurs organisationnelles, quelle est la meilleure solution ? Jusqu’à présent, quelles que soient ses responsabilités, l’administration se repose sur l’idée qu’elle ne peut pas ignorer les inégalités engendrées par des tricheries, furent-elles induites par sa propre déficience. Et c’est donc aux étudiants d’assumer des problèmes dont ils ne sont aucunement responsables.

Or on ne prend jamais en compte les affres parfois mentalement difficiles à vivre dans lesquelles de telles situations peuvent les plonger. Depuis quelques années, surtout avec le passage de la pandémie de COVID-19, de nombreux jeunes sont en souffrance psychologique. De tels dérapages dans un examen ou un concours au cours desquels le niveau de stress est déjà maximal peuvent aboutir à des troubles, allant de la perte totale de ses moyens à des crises plus graves. Dans tous les cas, on pourrait considérer que cela crée de l’iniquité, qui ne sera pas entendue ni réparée.

Le fait qu’aujourd’hui les candidats se mobilisent de plus en plus massivement dans ces cas aussi parlants ne devrait-il pas faire réfléchir à d’autres types de solution ? Annuler une épreuve définitivement est-ce plus inéquitable que de la faire repasser dans de mauvaises conditions psychologiques ? N’est-il pas le temps, alors, dans un monde où les nouvelles technologies sont omniprésentes, de penser autrement l’organisation des concours et examens, afin d’éviter enfin des successions d’erreurs et d’errements douloureux ?

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