La réduction du nombre de postes d’internes en médecine suite à la réforme de l’ECN suscite la colère des étudiants

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La procédure est connue et reconduite à l’identique chaque année. Les étudiants en médecine qui finissent leur externat et passent en 6e année d’études de santé, passent les ECN ou Épreuves Classantes Nationales. Cet examen leur confère une place (entre 1er et dernier des candidats) qui leur permet alors de choisir leur spécialité en médecine et la ville où ils souhaitent poursuivre leurs études. Bien évidemment, meilleur est le classement, et plus aisément peut-on accéder à la spécialité voulue dans la faculté désirée. Globalement, on table depuis des années sur 9000 à 10 000 candidats. La répartition des postes se fait en fonction des besoins nationaux, et le système fonctionnait jusque-là sans susciter de critiques particulières. Mais la réforme des ECN intervenue en 2024 a bouleversé la donne et connu une levée de boucliers inédite de la part de nombreux étudiants insatisfaits.

Qu’a modifié la réforme des ECN en 2024 ?

L’année 2023-2024 a en effet connu de véritables changements dans la nature et les épreuves remplaçant l’ECN. C’est désormais un examen en deux phases qui va déterminer le futur exercice des élèves médecins.

Désormais, l’année universitaire commence par les EDN, les Épreuves Dématérialisées Nationales. Elles ont eu lieu en octobre 2023 pour cette année. Elles comportent désormais cinq unités de composition, réparties sur quatre demi-journées. Il s’agit pour les trois premières de questions alternant entre des réponses ouvertes ou des QCM portant sur l’ensemble du programme du second cycle d’études de médecine (l’externat).

Les deux dernières unités de composition portent sur la lecture critique d’articles scientifiques.

Si les candidats obtiennent une note moyenne minimum de 14/20, ils sont aptes à passer une seconde série d’épreuves, les ECOS ou examens cliniques objectifs structurés, qui constituent la grande nouveauté de l’examen. Ces oraux se déroulent fin mai, et ont pour tâche d’évaluer « la capacité des étudiants à mobiliser et à mettre en œuvre leurs connaissances ainsi que leurs aptitudes comportementales pour répondre à des situations cliniques conceptualisées » selon le décret les définissant. Plus concrètement, les candidats vont être confrontés à dix mises en situation — sur une panoplie de 356 — chacune d’une durée de sept à dix minutes. Il s’agit de scénarios au cours desquels les candidats auront à faire des diagnostics, prendre des décisions de soin, etc.

La difficulté est qu’il faut obtenir au moins 10/20 à chaque mise en situation. Une seule note inférieure est éliminatoire et conduit le candidat à redoubler sa troisième année d’externat.

S’il est admis, l’étudiant obtient une note globale pondérée de la façon suivante : 60 % pour la note de l’EDN, 30 % pour la note des ECOS, et 10 % pour la note obtenue pendant son parcours de formation en externat. C’est cette note globale qui est prise en compte pour déterminer quel rang aura le candidat dans le choix de sa spécialité.

La réforme de l’examen pour intégrer l’internat a eu un effet immédiat : une baisse du nombre d’admis en 2024

Échaudé par les précédentes réformes des formations médicales, un nombre non négligeable d’étudiants en médecine a boudé les nouvelles ECN. Ainsi, plusieurs centaines ont préféré redoubler leur 5e année (la seconde année d’externat) par anticipation, en attendant de mieux appréhender le fonctionnement de l’examen et de ses conséquences. En effet, on l’a vu, c’est la note finale qui détermine le futur parcours de l’étudiant. L’enjeu est donc capital et le changement de règles en a effrayé plus d’un. Au point que si, d’habitude, on compte moins de 3 % de redoublants en 5e année, l’année 2023-2024 en a vu plus de 7 %.

Il y avait donc nettement moins de candidats à l’examen. De plus, alors qu’avec les ECN précédentes, il n’y avait pas d’élimination, tous les candidats pouvant prétendre à un poste d’interne, les nouvelles épreuves ont laissé plus de 300 candidats sur le carreau : 276 à l’issue des EDM, puis 68 aux Ecos. Finalement, l’année 2023-2024 s’est soldée par un déficit de près de 1500 internes par rapport à ce qui pouvait être attendu.

En 2023 près de 9 500 places d’internes avaient été ouvertes, La Conférence des doyens de faculté de médecine fait en effet en sorte d’adapter le nombre de postes ouverts au nombre de candidats. Toutefois, le passage de 9500 postes à 7974 en 2024 a provoqué plus que des remous chez les étudiants.

 

 

La réduction des postes d’internat en médecine en 2024 : un coup dur pour les étudiants

Moins 1 510 postes : cela a représenté un choc pour de nombreux étudiants qui se préparent depuis plusieurs années à leur internat. Certes, tous auront bien une place d’interne. Mais pas forcément dans l’une des spécialités qu’ils visent. Rappelons qu’auparavant non plus, un candidat à l’issue des ECN n’avait pas la garantie de poursuivre ses études dans la spécialité et la ville de son choix. Tout dépendait déjà de ses notes à l’examen.

Mais il semble, selon les internes, que la réduction du nombre de postes d’interne ne s’est pas effectuée à taux de réduction identique pour toutes les spécialités, soit moins 15 %. De fait, peu de spécialités ont réellement été désavantagées plus que d’autres. On notera particulièrement :

  • La chirurgie plastique a perdu la moitié de ses postes par rapport à 2023 (14 contre 28),
  • La chirurgie orale : moins 25 %, mais sur 16 postes,
  • La gynécologie médicale : moins19 %,
  • La médecine et santé au travail : moins 19 %
  • Ou encore l’ophtalmologie : moins 19 % (30 postes en moins).

À l’inverse, la pédiatrie n’a connu qu’une baisse de 7 % (avec 351 postes proposés), de même que la neurochirurgie (-7 %). Et l’on n’a noté aucune baisse de poste en chirurgie pédiatrique.

Logiquement, cette répartition un peu inégale cherche à combler les manques du système de santé et à faire quelques rééquilibrages. Des spécialités jugées moins attractives, telles que la psychiatrie, la pédiatrie, sont effectivement moins amputées.

Un facteur anxiogène supplémentaire : le nouvel algorithme d’affectation des postes d’internes

Jusqu’alors, la procédure de choix des spécialités des internes reposait sur un modèle unique. Sur l’ensemble des postes d’internes ouverts, les étudiants les mieux classés aux ECN pouvaient choisir la spécialité et la faculté qu’ils souhaitaient. Progressivement des postes disparaissaient à mesure que l’on montait dans le classement. Si bien que les moins bien classés n’avaient pas toujours beaucoup de choix.

L’algorithme d’appariement qui fait ses premiers pas cette année 2024 est plus complexe. 13 groupements de spécialités (chirurgie tête et cou, autre chirurgie, endocrinologie et gynécologie médicale, spécialités médicales transverses, pédiatrie, hématologie et oncologie, psychiatrie, neurologie, cardiologie médecine vasculaire, médecine d’investigation 1 et 2, médecine générale, santé publique et santé du travail, et enfin médecine de l’aigu comprenant les urgences ou la réanimation) ont été définis. À l’intérieur de chaque groupement, le candidat a un classement spécifique qui est déterminé en fonction de sa note globale et des notes spécifiques aux épreuves de l’examen. Il doit entrer un minimum de 40 vœux dans les spécialités et les facultés souhaitées. C’est ensuite l’algorithme qui gère et propose un ou plusieurs postes.

On peut comprendre que cette complexité et la relative opacité du processus venant s’ajouter aux déconvenues en termes de nombre de postes aient pu provoquer de fortes inquiétudes et l’impression, pour certains étudiants, d’avoir gâché leurs chances.

Les conséquences de la suppression des postes sur la formation médicale

L’autre sujet de cette diminution de postes d’interne est que, par essence, elle va produire une relative baisse du nombre d’internes totaux susceptibles de suivre leurs formations dans les établissements publics. Or, les postes d’internes y sont essentiels pour le bon fonctionnement des hôpitaux, des urgences et de l’ensemble des services.

Du côté des alarmistes, le président du Samu rappelle que 40 % des ressources médicales des hôpitaux universitaires sont constituées par les internes. Tout interne manquant représente donc un vrai problème qui vient s’ajouter aux problèmes déjà vécus par la médecine publique. Il est vraisemblable qu’il sera fait appel au recrutement de médecins étrangers pour combler un éventuel manque d’internes.

Pour les optimistes, comme le président de la Conférence des doyens des universités de médecine, il s’agit d’une goutte d’eau qui sera rapidement oubliée : en effet, l’internat dure entre 4 et six ans. Il existe donc actuellement un volant de 40 000 internes, et la promotion prochaine devrait rattraper les lacunes de 2024, avec 10 500 étudiants au moins réussissant à l’examen. Les éventuels « trous » seraient donc rapidement comblés.

Il n’en reste pas moins que pendant les 12 mois de novembre 2024 à 2025, la totalité des CHU va perdre des postes d’interne. Et ce sont les plus grosses structures qui en pâtissent le plus : un manque de 92 internes à Lille, de 74 à Lyon. L’APHP voit son nombre d’internes diminuer de 215. Mais dans certains petits CHU, la situation est encore plus difficile, comme à Besançon qui voit fondre ses effectifs d’internes de 17 %.

Sans doute, cette réforme de l’examen comme celle du choix des spécialités ont-elles de bonnes justifications. Introduire des épreuves de diagnostic et de comportement est ainsi une initiative pertinente, mais fallait-il rendre l’examen aussi compliqué et difficile ? Ne peut-on envisager, comme c’était le cas précédemment, et surtout en période de pénurie médicale, que tous les étudiants parvenus en fin d’internat méritent de poursuivre leur engagement en santé ? Et est-on certain que l’utilisation de modèles sophistiqués toujours obscurs et forcément contestés est le meilleur moyen de rendre tout le monde (étudiant) heureux ? De nombreux étudiants en médecine aimeraient surtout qu’on en finisse pour un moment avec des changements souvent mal anticipés…

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