Dès 2024, les élèves de Seconde auront le choix entre un stage en entreprise ou le SNU

Seconde

À la rentrée 2023, le ministre de l’Éducation nationale annonçait l’introduction d’un stage obligatoire pour tous les élèves de Seconde, en fin d’année. L’objectif est de faire en sorte que les élèves de Seconde terminent comme les autres leur cursus fin juin, et non, comme par le passé, dès le début du mois. Depuis, Gabriel Attal a ajouté une nouvelle option, la possibilité de choisir entre ce stage en entreprise et la participation au Service national universel (SNU). La proposition d’une telle alternative a surpris nombre d’acteurs de l’éducation qui s’interrogent sur l’intérêt et la validité d’un tel dispositif.

Pourquoi le gouvernement souhaite-t-il créer des stages en fin de Seconde ?

Le gouvernement, par ces annonces, cherche à répondre à la promesse du Président de la République de reconquérir le mois de juin pour les élèves qui ne passent pas d’épreuves en fin d’année. L’introduction de stages en entreprise pour les élèves de Seconde a pour vocation de repenser le mois de juin. Il est vrai que c’est un mois traditionnellement saturé d’examens et en conséquence, de nombreux professeurs sont indisponibles pour effectuer leurs cours.

Les effets de la réforme du Baccalauréat

La réforme du Baccalauréat mise en œuvre en 2020 instaurait une nouvelle épreuve de spécialité en Première et deux en Terminale. Pour des raisons liées aux vœux sur Parcoursup, celles-ci devaient se tenir dès le mois de mars. Cette organisation a cependant montré un défaut majeur, en vidant le troisième trimestre de sa substance pour les Terminales. Avec comme résultat une désertification des cours dès le mois d’avril.

Le ministère de l’Éducation nationale a donc décidé de reprogrammer les épreuves de spécialité au mois de juin dès 2024. Mais cette modification a entraîné une concentration d’examens en juin entre les épreuves de spécialité fixées du 19 au 21 juin, la Philosophie le 18 juin et le Grand Oral du 24 juin au 8 juillet en 2024. Pour les élèves de Première, l’épreuve écrite de français est prévue le 14 juin, et l’oral de français du 24 juin au 5 juillet. Les enseignants du secondaire sont donc particulièrement sollicités au mois de juin, délaissant par obligation les classes de Seconde, sans examen. Ces élèves se retrouvent donc dès le début juin sans cours ou presque.

Des stages en entreprise pour rallonger le mois de juin

Pour pallier les conséquences des examens sur le cursus scolaire, le ministre a donc introduit un stage professionnel obligatoire de deux semaines en fin de Seconde, spécifiquement durant la seconde quinzaine du mois de juin. Inspiré par le stage en entreprise de 3e, le stage de Seconde offrirait une expérience concrète et une immersion dans le monde professionnel. Il est pensé comme un moyen de maintenir l’engagement et l’occupation des élèves à un moment où les enseignants sont occupés à d’autres tâches.

Stages de Seconde : s’agit-il d’occuper les élèves ou d’une réelle avancée pédagogique ?

Compte tenu de la relative précipitation avec laquelle ce stage a été annoncé, certains s’interrogent sur la cohérence de ce stage dans le parcours pédagogique. L’intention derrière cette mesure n’est-elle pas d’occuper simplement les élèves sans autres considérations liées à l’enseignement ? Le ministère de l’Éducation nationale semble naviguer entre cet objectif et une ambition plus grande, cherchant à enrichir l’expérience éducative tout en gérant les contraintes de calendrier.

D’autant qu’à cette première annonce, le ministre semble ajouter au fil de l’eau de nouvelles options qui en brouillent l’aspect réellement axé sur l’enseignement.

Ce stage, d’une durée de deux semaines en juin, est imposé aux élèves de Seconde des voies générale et technologique. Obligatoire et non rémunéré, ce stage d’observation offre une première — ou plutôt une seconde — immersion en entreprise. Dans les arguments du ministère, le stage de Seconde est vu comme une étape importante dans l’orientation et la découverte professionnelle des élèves.

Quelques semaines après avoir annoncé la mise en œuvre des stages de fin d’année, le ministre a ajouté une option pour les élèves qui ne trouveraient pas de stage ou ne désireraient pas en effectuer : la possibilité de suivre un séjour de cohésion du Service national universel (SNU) ou pour ceux qui l’ont déjà effectué, une mission d’intérêt général, d’une durée équivalente à celle du stage. En intégrant le SNU dans le parcours éventuel des élèves de Seconde, le gouvernement souhaite renforcer leur sens de la responsabilité et leur engagement civique.

Le projet du ministre inclut également une option pour les élèves engagés dans un projet de mobilité européenne ou internationale au mois de juin. Ces élèves seraient dispensés du stage de Seconde et du SNU. Cette dispense s’applique à des périodes de mobilité d’une durée minimale de deux semaines en Seconde ou de quatre semaines en Première, contribuant ainsi à une mention spéciale sur le diplôme du Baccalauréat.

À la mi-novembre, devant le Medef, a encore été ajoutée une alternative supplémentaire : les élèves occupant un job d’été ne seraient pas tenus à faire un stage de Seconde non rémunéré.

Les stages de Seconde et le SNU sont contestés par de nombreuses parties prenantes

Ces mesures ont été présentées au Conseil supérieur de l’éducation, formé de représentants des personnels de l’éducation, des usagers ainsi que des partenaires de l’État dans l’action éducatrice. Il n’a qu’un rôle consultatif, et c’est à ce titre que le conseil a largement rejeté le plan du ministre : sur les 69 votants, 8 membres ont voté pour, 3 se sont abstenus et 58 ont voté contre. Comment expliquer ce rejet massif de la plupart des acteurs de l’éducation ?

Un intérêt pédagogique difficile à comprendre

Les critiques soulignent l’absence d’un intérêt pédagogique clair dans la mise en œuvre de ce projet. Les questions relatives à l’accompagnement des élèves, tant dans la recherche du stage que dans leur suivi, demeurent sans réponse. L’administration semble n’avoir pas prévu de dispositif concret pour le suivi pédagogique des stages de Seconde, laissant les élèves et les enseignants dans l’incertitude. Le risque est de répéter l’expérience du stage de Troisième, mais de manière dégradée et de renforcer l’idée d’une garderie pour compenser le vide scolaire du mois de juin.

Trouver un stage deviendra de plus en plus difficile

Avec 550 000 élèves de Seconde générale et technologique et 600 000 élèves de Bac pro à la recherche d’une entreprise d’accueil au même moment, la concurrence pour les stages va s’intensifier. Bien que l’opération « Mon stage de Seconde » ait mobilisé 300 entreprises et organisations, avec la promesse de 200 000 offres sur une plateforme nationale, la réalité du terrain pourrait s’avérer plus complexe. La disponibilité et l’accessibilité des stages restent des enjeux majeurs.

Un renforcement des inégalités ?

L’obligation des stages pose un problème d’inégalité d’accès, exacerbé par les disparités sociales, territoriales et culturelles. La promesse d’une plateforme pour les élèves des quartiers difficiles, bien que louable, pourrait ne pas suffire à résoudre ces disparités. Les enseignants tout comme les associations de parents d’élèves redoutent en effet que ces stages de Seconde soient un nouveau marqueur social. Lorsque l’on sait que les élèves de milieux populaires éprouvent beaucoup de difficulté à trouver des stages en troisième, on se doute qu’ils n’auront pas réellement le choix, les séjours à l’étranger étant bien souvent hors de portée financièrement ils se reporteront de facto vers le SNU.

Une façon d’imposer le SNU ?

L’orientation vers le SNU pourrait s’apparenter à une imposition déguisée, surtout pour les élèves n’ayant pas d’autres options. C’est ce que mettent en avant les syndicats d’enseignants, allant jusqu’à parler d’une supercherie comme le SNES-FSU. Le fait est que le SNU semble trouver difficilement son public : malgré les efforts déployés, il peine encore à attirer le nombre de participants escompté. En 2021, sur 25 000 jeunes attendus, seuls 15 000 ont participé au SNU. En 2022, ils étaient 32 000 sur les 50 000 envisagés, et en 2023, 40 000 contre 64 000 espérés.

Les coûts financiers importants et les critiques concernant son efficacité et sa pertinence soulèvent des questions sur la viabilité de sa généralisation. Le coût d’un parcours de cohésion de 15 jours est estimé à 1 400 euros par jeune, ce qui chagrine les professeurs et autres professionnels de l’éducation : cet argent ne serait-il pas mieux placé dans l’Éducation nationale, dont on connaît le manque de moyens ?

Un manque de personnel pour gérer les stages ?

L’organisation et la supervision des stages de Seconde posent enfin un défi logistique majeur, notamment en matière de personnel disponible. Les syndicats s’inquiètent de savoir qui s’occupera des stages, alors que les enseignants des lycées sont occupés par les examens, surveillances puis corrections. Or si ce n’est pas le lycée qui régule les stages, qui le fera. C’est d’ailleurs le même refrain que l’on retrouve chez les proviseurs de lycées. Si une convention-cadre est bien envoyée aux établissements, les proviseurs alertent sur le fait qu’il n’y aura personne pour s’en occuper.

Le ministre quant à lui a promis au Medef qu’il chercherait à « décharger le plus possible les entreprises de toutes les formalités », assurant que « les personnels de direction et de vie scolaire » s’en occuperont dans les lycées, de quoi s’attendre à quelques cafouillages à la fin de l’année scolaire.

Stages obligatoires, mais pas pour tout le monde, options qui s’allongent régulièrement, absence de personnel dédié, ces mesures, prises dans l’urgence, méritent d’être sans doute encore affinées et précisées.

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