Publié le 30 décembre 2023 par Édouard de Cours Thalès. Mise à jour le 11 juillet 2024.
Une nouvelle épreuve de Mathématiques va compléter la session du Baccalauréat en Première
La réaction ne s’est pas fait attendre longtemps. C’est le jour même de la publication des résultats de l’enquête PISA 2023 que Gabriel ATTAL, le ministre de l’Éducation nationale, a annoncé une série de mesures pour remonter le niveau des élèves français. L’inquiétude était patente dans ses propos évoquant un « choc des savoirs » de manière à provoquer « un sursaut pour l’avenir de notre école ». Que l’on interprète cela comme une dramatisation excessive destinée à introduire des mesures contestées ou comme une réelle prise de conscience de l’urgence à agir, une chose est sûre, les choses vont bel et bien changer en matière scolaire. Et en particulier pour ce qui concerne les Mathématiques puisque une nouvelle épreuve viendra compléter l’épreuve anticipée de français en Première pour l’obtention du Baccalauréat.
Les résultats de l’enquête PISA 2023 ont provoqué un choc en France
Devenue la référence de l’évaluation des compétences scolaires, l’enquête PISA a le mérite de proposer des tests identiques tous les trois ans, à un échantillon d’élèves de 15 ans dans de nombreux pays et en particulier dans les 38 états de l’OCDE. La mouture 2023 (résultats des tests passés en 2022à était la première post-COVID19.
L’enquête pointe un recul général dans tous les pays de l’OCDE
Trois épreuves attendent tous les trois ans les lycéens participants l’enquête PISA :
- L’une portant sur la compréhension de textes dans leur langue maternelle.
- Un test de sciences.
- Et un devoir de culture mathématique.
Depuis sa création en 2000, jamais les résultats sur l’ensemble des pays n’ont été aussi bas. Si la baisse du score moyen est sur l’ensemble des pays de 3 points, elle est de 10 points en compréhension de l’écrit et de 15 points en Mathématiques.
Le passage de l’épidémie de COVID-19 et les confinements associés est le seul phénomène mondial pouvant expliquer une telle baisse. L’éloignement des élèves d’un enseignement physique pendant des mois dans la plupart des pays a fortement contribué à ce recul des connaissances, déjà mis en évidence par de nombreuses enquêtes en France comme ailleurs. On sait également que l’épidémie a contribué à aggraver les inégalités d’apprentissage.
C’est en France que le recul est le plus criant
Les 8 000 lycéens français ayant participé au test de mathématiques dont les résultats viennent d’être publiés ont en moyenne vu leur note baisser de 21 points. On peut toujours tempérer ce résultat en constatant que ce score reste dans la moyenne de l’ensemble des pays de l’OCDE puisque la France se classe 22e, proche de l’Allemagne ou de la Finlande. Mais très loin des dix premiers, parmi lesquels on trouve 6 pays asiatiques.

Source : Vie publique – République française
Surtout, après des années de relative stabilité, la courbe d’évolution des résultats français semble subir une cassure. Ces chiffres corroborent l’évaluation nationale qui s’est tenue en septembre 2023. En 4ème, plus de la moitié des élèves ne maîtrisaient pas la résolution de problèmes, pas plus que la géométrie.
Les mauvais résultats des élèves français en mathématiques n’ont pas toujours été la norme
Si l’on en croit les travaux des historiens de l’école et de la pédagogie, c’est dans la seconde moitié du 19e siècle que l’enseignement des Mathématiques s’est étendu au plus grand nombre. Tout au long de la troisième république, cet enseignement c’est perfectionné. Il est vrai que le nombre de matières enseignées était plus réduit qu’aujourd’hui. Toujours est-il que les élèves français maîtrisaient les notions élémentaires des mathématiques, l’algèbre, la géométrie, le raisonnement, les comparaisons, etc. Au point que la France a produit de nombreux mathématiciens de renom entre les années 1950 et 1970, à l’exemple du collectif Bourbaki.
Tout commence à se gâter avec la réforme des « Mathématiques modernes », au milieu des années 1960. Afin de rapprocher l’enseignement scolaire des mathématiques produites par les chercheurs, de nombreuses notions abstraites entrent au collège et au lycée. Le choc est sévère, de nombreux élèves décrochent et les inégalités entre des « matheux » et les autres ne cessent de s’accroître.
En 1984, le ministère de l’Éducation nationale décide d’un nouveau tournant, rendant les Mathématiques plus concrètes et allégeant les programmes. Malgré ce revirement, les résultats ne sont pas au rendez-vous. La pente entamée avec les Mathématiques modernes ne va cesser de s’accroître.
Les racines de nos difficultés en Mathématiques sont plurielles
Au regard de cette très rapide traversée de l’histoire de l’enseignement, on peut s’interroger sur la qualité de nos programmes d’enseignement en mathématiques. Selon certains experts, la difficulté à bien comprendre cette matière viendrait de graves lacunes dans les programmes : certaines notions essentielles ne sont plus enseignées, remplacées par des formules à apprendre et à appliquer. Le raisonnement, la compréhension de notions de base et leur maîtrise seraient ainsi empêchés.
Les heures d’enseignement de mathématiques ont diminué dans le Secondaire
En 1992, un élève de collège suivait, de la 6e à la 3e, 4 heures de Mathématiques hebdomadaires. En 2012, en 5e et en 4e, il ne suivait plus que 3h30 par semaine.
Au lycée, les filières scientifiques C, puis S, ont subi des coupes plus importantes. En 1992, les lycéens de Seconde avaient 5 heures de Maths, 4 heures en 2012. En Première C puis S, les lycéens ont perdu 2 heures, passant de 6 à 4 en 2012. Enfin, en Terminale C puis S, le nombre d’heures de Maths est tombé de 9 à 8 par semaine.
Au total, sur l’ensemble du secondaire, les élèves intéressés par les sciences ont perdu 15 % d’heures de mathématiques. On sait que la qualité peut être plus importante que la quantité. Mais ici, le temps de cours est un temps d’apprentissage et d’approfondissement de notions indispensables. Dans le contexte d’un système scolaire déjà mal en point, on peut penser que la fragilité de notre niveau en mathématiques pourrait être liée à cette baisse des heures d’enseignement.
D’autant qu’il est de plus en plus difficile de recruter des professeurs de mathématiques. Voici des années que le nombre de places aux concours est supérieur au nombre de candidats. Si l’on fait le cumul entre des programmes qui pourraient être mieux ficelés, des heures de cours en diminution et des professeurs manquants ou mal formés, la médiocrité des évaluations n’est pas une surprise.
La réforme du Baccalauréat 2019 a éloigné les élèves des Mathématiques
Venant couronner cette tendance à minorer notre investissement en mathématiques, la réforme du Baccalauréat de 2019 a porté un nouveau coup à l’apprentissage des Mathématiques. En permettant aux élèves de lycée de choisir des matières en fonction de leurs intérêts et projets d’avenir, la réforme a supprimé complètement l’enseignement des mathématiques pour de nombreux lycéens.
Avant la réforme, les mathématiques étaient une matière centrale, suivie par la majorité des élèves, même dans les filières non scientifiques. Avec la nouvelle liberté du choix de spécialités, beaucoup ont décidé de se détourner des mathématiques au Bac, privilégiant d’autres domaines. Pas de quoi remonter le niveau !
Face à cet effet pervers de la réforme, des mesures ont été prises pour réintégrer partiellement cette discipline dans le cursus commun à la rentrée 2022-2023.
L’introduction d’une nouvelle épreuve de Mathématiques en fin de première au Bac est-elle utile ?
Le Baccalauréat compte depuis 2019 trois épreuves communes à tous les élèves : l’écrit et l’oral de français en fin de Première ainsi que la Philosophie et le Grand Oral en fin de Terminale. Le ministre de l’Éducation a jugé que l’absence des Mathématiques n’était pas normale. Cette absence des Mathématiques de l’enjeu du Bac expliquerait « la chute du niveau de nos élèves et une perte de goût pour cette matière ».
Puisque « les Mathématiques, c’est fondamental », Gabriel Attal a donc décidé d’intégrer la matière au tronc commun du Baccalauréat, en ajoutant un écrit en fin de Première. Il s’agit à la fois d’un symbole et d’une mécanique : puisque les Mathématiques seront de nouveau indispensables pour obtenir son Baccalauréat, les élèves seront bien obligés de les travailler et de s’y intéresser.
Comme l’ensemble des annonces faites en urgence, les modalités de cette épreuve ne sont pas connues pour le moment. Cette nouveauté pose cependant de nombreuses questions.
Une surcharge de travail et de stress pour les élèves
Trois mois avant l’annonce de cette mesure, le même ministre donnait son accord à un allègement des textes à étudier pour l’oral de Français en Première. Raison invoquée ? Faire baisser la pression sur les élèves qui, avec les trois épreuves de spécialité à travailler, devaient déjà fournir de gros efforts. Il n’est pas certain que l’introduction d’une nouvelle épreuve au Bac réduise la pression pendant l’année.
Comment les élèves pourront-ils se préparer à l’examen ?
La réintroduction des mathématiques en Première est très récente et l’on n’a pas encore d’évaluation de cette réforme de la réforme du bac. La décision de rendre la matière obligatoire au Bac n’est-elle pas prématurée, alors que ni les professeurs ni les élèves n’ont encore trouvé leurs marques ? La préparation du bac sera-t-elle dorénavant trop lourde et décourageante pour certains élèves et est ce que le taux de réussite au bac va baisser ?
Plus que tout, au-delà de la force symbolique non négligeable de cette décision, celle-ci aura-t-elle un effet sensible et positif sur la réalité des apprentissages et les résultats des élèves ? Ne faudrait-il pas commencer par réfléchir à des programmes mieux adaptés dans le secondaire ? Pour l’instant, il semble que cette réflexion ait abouti à introduire la « méthode de Singapour » en maternelle et à l’école élémentaire. N’est-il pas urgent de revoir aussi la pédagogie du Secondaire ?
Seul l’avenir le dira !