Publié le 11 décembre 2023 par Chloé de Cours Thalès. Mise à jour le 13 décembre 2023.
C’est par un simple mail titré le Choc des savoirs que le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, a confirmé et précisé fin septembre les annonces qu’il avait faites à la rentrée scolaire 2023-2024. Au programme, trois cibles à atteindre : éviter la démotivation des élèves de Terminale dès le troisième trimestre, rééquilibrer l’année scolaire de Terminale et, plus globalement, « reconquérir le mois de juin ». Les mesures présentées qui doivent s’appliquer dès cette année scolaire seront-elles en mesure de répondre efficacement à ces défis complexes ? Premiers éléments de réponse.
La nouvelle organisation doit résoudre les problèmes causés par la réforme du Bac
La réforme du Baccalauréat mise en œuvre en 2020 avait suscité de nombreuses critiques. L’une d’elles concernait la date des épreuves de spécialité, en raison de son impact sur le calendrier scolaire et sur la charge de travail des élèves. La nouvelle organisation du Bac pour 2024 s’efforce de remédier à ces problèmes, en revenant à une répartition plus traditionnelle de l’examen dans l’année. Le contrôle continu, maintenu dans sa forme actuelle, est désormais mieux intégré au sein du parcours scolaire, réduisant ainsi la pression sur les élèves en fin d’année.
Les épreuves de spécialité sont déplacées en juin
Un rééquilibrage bienvenu
Petit rappel : le Baccalauréat version Jean-Michel Blanquer repose sur plusieurs notes :
- Le contrôle continu en Première et en Terminale
- L’épreuve anticipée de français en fin de Première
- Les deux épreuves de spécialité
- Un grand oral
- Une épreuve de philosophie
Dans la version initiale de ce nouveau Baccalauréat, les épreuves de spécialité étaient censées se tenir au début du mois de mars. La raison ? Pouvoir disposer des notes de ces épreuves et les intégrer dès le mois d’avril dans les vœux des lycéens sur Parcoursup.
Mais la tenue des épreuves de spécialité en mars, comme cela a été le cas en 2023, a montré ses limites, s’attirant des critiques de toutes parts, professeurs, parents d’élèves, cadres administratifs des établissements. Deux effets pervers lui étaient reprochés :
- Une désorganisation des apprentissages. En devant préparer les épreuves de spécialité pour le mois de mars, les élèves de Terminale ne disposaient que d’un semestre à peine pour engranger toutes les connaissances requises sur ces spécialités. Certains professeurs privilégiaient la préparation des épreuves de spécialités, au détriment du reste du programme. Les élèves, quant à eux, se trouvaient confrontés à un semestre extrêmement chargé, sous la pression d’examens précoces.
- Une désertification du troisième trimestre. Le calendrier permettait aux élèves de connaître leurs notes d’examens dès le mois d’avril. Or, entre l’épreuve de français, le contrôle continu et les deux épreuves de spécialité, ils étaient en possession de plus de 80 % de leur note globale deux bons mois avant la fin de l’année scolaire. Comment ne pas comprendre la forte démotivation de ceux qui savaient déjà dès avril qu’ils allaient être admis comme de ceux qui anticipaient l’échec ? L’effet fut sans appel : des classes à moitié remplies en Terminale dès la fin avril.
Cette année, les épreuves de spécialité du Baccalauréat auront lieu du mercredi 19 au vendredi 21 juin 2024. Cette re-programmation en fin d’année scolaire va permettre ainsi une meilleure répartition des apprentissages, une moindre pression sur les élèves tout en redonnant tout son intérêt au troisième trimestre.
Deux questions restent en suspens
Cependant, au déjà des nouvelles dates du bac, deux interrogations subsistent, qui n’ont pas été évoquées par le ministre.
La justification d’épreuves organisées en mars était l’alignement avec les premiers vœux sur Parcoursup. Dès avril, il était possible d’intégrer les notes des épreuves de spécialité : les établissements et types d’études visés par les candidats avaient ainsi un dossier solide et complet pour leur sélection. Sciences Po Paris, par exemple, en était arrivé à supprimer les épreuves écrites de son concours, se fondant sur les notes des épreuves de spécialité pour choisir les étudiants.
Avec des épreuves en juin, ces deux épreuves comptant pour un tiers de la note du Bac ne seront plus prises en compte dans le processus de sélection pour les études supérieures. En quelque sorte, cela affaiblit sensiblement l’architecture du nouveau Baccalauréat. Ces deux spécialités devaient préfigurer les orientations des élèves pour leur cursus en études supérieures. En les supprimant de la première vague de vœux, cela ne va-t-il pas vider Parcoursup d’une partie de sa substance ?
Une critique revenait fréquemment sur ces épreuves de spécialité : étant donné le nombre de spécialités possibles, tous les candidats de France présentant la même matière ne passaient pas l’épreuve au même moment. Il avait été constaté de fortes disparités dans la difficulté des épreuves de chaque matière, rendant caduc le principe d’équité devant l’examen. Le ministre de l’éducation n’a pas encore évoqué ce problème, est ce que l’ensemble des épreuves de spécialités seront organisées le même jour afin de régler ce problème ?
Le Grand Oral est remanié et allégé
Le Grand Oral avait été pensé pour préparer les candidats à la prise de parole. Il était conçu également comme un moment au cours duquel, pendant cinq minutes, le candidat pouvait justifier ses choix d’orientation et en particulier des deux spécialités dans son projet post-Bac. Ce volet avait été assez critiqué pour son aspect artificiel et sans grand intérêt pédagogique.
C’est pourquoi le ministre a décidé de modifier légèrement l’épreuve. Elle conservera sa durée de 20 minutes, mais abandonnera le volet « orientation ». L’oral sera donc divisé en deux temps : dix minutes de présentation d’une question préparée, puis dix minutes d’échange avec le jury. Il se trouvera vraisemblablement peu de monde pour regretter la disparition des cinq minutes « orientation ». Il reste que c’est une nouvelle fois une édulcoration de la réforme telle que pensée en 2020. Après la disparition des « spécialités » sur Parcoursup, l’absence de discussion sur le choix du cursus par l’élève affadit un peu plus cet aspect focalisé sur le parcours à venir des élèves, qui soutenait toute l’architecture initiale.
Cette épreuve se déroulera entre le 24 juin et le 3 juillet 2024.
En fin de Première, l’oral de français se met au régime
L’oral de français, premier jalon du Baccalauréat en fin de Première, connaît un aménagement en 2024. Le nombre minimal de textes à étudier au cours de l’année de Première et à présenter à l’examen est revu à la baisse : de 20, il passe à 16 pour les filières générales. Cela fait suite à la critique des professeurs de français qui estimaient le programme trop lourd pour des élèves confrontés à trois spécialités et à des cours déjà bien chargés.
Cela vise à alléger la pression sur les élèves. L’accent est mis davantage sur la qualité de l’expression et sur la compréhension littéraire, plutôt que sur la quantité de contenu à travailler. Cette approche est en phase avec le contrôle continu, un élément clé de la réforme du Baccalauréat.
Les épreuves anticipées de français se dérouleront le 14 juin 2024 pour l’écrit et du 24 juin au 5 juillet pour l’oral. À noter que les élèves de Première Technologique ne sont pas touchés par ce changement : le nombre minimal de textes à étudier reste de 12.
Pour reconquérir le mois de juin, les élèves de Seconde sont envoyés en stages
Dernière grande annonce, le ministre confirme la mise en œuvre d’un stage en entreprise pour les élèves de Seconde. Celui-ci se tiendra du lundi 17 au vendredi 28 juin. L’idée sous-jacente derrière cette décision est la reconquête du mois de juin.
La seconde moitié du mois de juin voit l’organisation des épreuves du Baccalauréat et l’indisponibilité de salles et de professeurs, appelés à faire passer les examens. Afin d’éviter que les élèves n’aient plus de cours ni d’encadrement, le stage de fin de seconde va donc jouer le rôle de supplétif.
C’est sans doute la mesure qui sera la plus contestée des annonces ministérielles. Le stage d’une semaine en troisième est bien souvent au cœur de critiques. Il est considéré comme un facteur d’inégalités, les élèves partant souvent en stage dans les entreprises de leurs parents ou de connaissances lorsqu’ils sont de milieux favorisés et peinant à trouver des opportunités lorsqu’ils ne bénéficient pas d’un réseau professionnel parental suffisant. Par ailleurs, dans de nombreux cas, le contenu du stage reste flou, voire inconsistant.
Reproduire une deuxième fois ce principe en Seconde interpelle. Devant les difficultés des élèves à trouver leur stage de Troisième, démultiplier la recherche de stages sera-t-il faisable ? Même si les périodes ne sont pas les mêmes, les entreprises seront-elles ouvertes à accueillir deux fois dans l’année des stagiaires « juniors » ?
La majeure partie des changements annoncés visent à répondre aux critiques, en apportant un peu de sérénité dans la vie des professeurs et des élèves, souvent marquée par le stress des examens et une charge de travail parfois écrasante. Le nouveau calendrier du Bac, avec des épreuves mieux réparties, va certainement créer un environnement d’apprentissage plus équilibré. Demeurent des questions sensibles : doit-on modifier la procédure Parcoursup ? Va-t-on vers un détricotage de la réforme du Baccalauréat ? Les stages ne sont-ils pas qu’un bouche-trou dont l’intérêt doit être démontré ? Premières réponses fin juin 2024.