Publié le 29 juin 2023
Les élèves de Première ont passé leur écrit du Bac de français le 15 juin 2023, sur un sujet comportant au choix un exercice de dissertation ou un commentaire de texte. Découvrez le sujet officiel et son corrigé.
Corrigé commenté par Tiphaine Brizec, professeure certifiée de Lettres Modernes
Sujet du Bac de Français 2023
- Le commentaire portait sur « La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle ».
- La dissertation avait pour objet d’étude : « Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle ».
sujet officiel bac francais
Corrigé officiel du Bac Français 2023
Ce corrigé est un document officiel contenant des éléments de corrections et les consignes qui doivent être suivies par les professeurs de Lettres Modernes.
corrige officiel bac francais
Corrigé du commentaire du texte de Denis Diderot
Le texte du commentaire porte sur une œuvre argumentative du philosophe Denis Diderot : Salon de 1767. Cet extrait a pour objectif de commenter une peinture d’Hubert Robert. Diderot donne ses ressentis par rapport à une œuvre d’art. Il fallait analyser le texte dans sa dimension esthétique, lyrique et argumentative. Cet extrait s’inscrit dans une poétique, celle des ruines et du temps qui passe. L’erreur à ne pas faire était de se perdre dans des liens avec le mouvement littéraire de l’auteur, les Lumières. Le point fort qui pourrait valoriser la copie serait d’y avoir perçu sa sensibilité pré-romantique et son grand lyrisme qui emporte le style de l’auteur.
Problématiques possibles :
- En quoi ce passage lyrique et tragique permet-il d’offrir une réflexion sur l’homme et la nature ?
- Comment cette pause sur image suscite un jugement sur le temps qui passe ?
I – Un tableau inspirant qui pousse à la confession
- La dominance du « moi » : le texte est guidé par le regard de l’auteur qui exprime son avis personnel et sa solitude. Il est donc au centre de la réflexion et de son observation.
- Une émotion vibrante et entière, entre lyrisme et tragique : Le texte exploite des sentiments forts et entiers, l’auteur n’a pas peur de se donner entièrement aux émotions de la confession.
- Le cadre du tableau : grâce aux thèmes de la nature et des ruines, l’auteur est emporté par la beauté de la nature et arrive à trouver dans la solitude un cadre propice à la réflexion.
II – Un tableau qui entraîne vers la réflexion
- Une lutte entre deux espaces temps qui se fait par l’observation du tableau : il y a une lutte entre le présent et le passé, la nature reste en mouvement alors que l’Homme disparaît. Les ruines, elles, font l’expérience du temps qui passe et entraînent l’épanchement lyrique.
- Une réflexion sur notre rapport au monde : l’isolement face à la société semble apaiser l’auteur car il critique les mouvements du monde et de la société. L’observation se fait moraliste.
- La thématique du temps qui passe : l’auteur parle ici de son rapport au temps et dégage une certaine forme de mélancolie car il rappelle sa fragilité face au temps. Il y a une remise en question de son existence.
Corrigé de la dissertation sur Manon Lescaut de l’Abbé Prévost
Sujet A : Le plaisir de lire Manon Lescaut ne tient-il qu’au récit d’une passion amoureuse ?
Le sujet porte sur l’impact du thème amoureux sur le lecteur du roman et l’intervention d’autres arguments ou thèmes du roman.
Problématiques possibles :
- Le thème amoureux est-il la seule raison d’aimer la lecture Manon Lescaut ?
- L’amusement et l’émotion du lecteur sont-ils uniquement rattachés aux aventures amoureuses du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut ?
Plan dialectique
I – La passion est un motif de satisfaction pour le lecteur
- Un amour passionné : Le roman présente une vision idéale de l’amour, une complicité entre Des Grieux et Manon Lescaut. L’amour fou de Des Grieux émerveille le lecteur qui se laisse emporter par les émotions du narrateur, le point de vue interne. La première rencontre, le coup de foudre, est un topo littéraire souvent utilisé dans la littérature. Par exemple, avec Flaubert dans L’Education sentimentale la première rencontre de Frédéric Moreau avec Madame Arnoux imagine aussi un coup de foudre littéraire qui subjugue le lecteur.
- Un amour non conventionnel : Le roman fait apparaître des amants qui n’étaient pas destinés à s’aimer. Le thème de l’amour impossible attire le lecteur. Ils sont tous les deux de deux classes sociales différentes, populaire et aristocratique mais étaient aussi, au départ, destinés à une carrière ecclésiastique. Nous pouvons faire le lien avec La Dame aux camélias de Alexandre Dumas fils qui brosse aussi le portrait d’un couple qui ne peut fonctionner, la courtisane et le noble. Le père de Des Grieux, comme celui d’Armand Duval, les figures de l’autorité, veulent les séparer. Le père de Des Grieux le fait enlever dans la première partie du roman afin de le ramener à la raison.
- Un amour tragique : Le destin va agir et contrarier les deux héros. Les obstacles et la mort tragique de Manon ne permettent pas la réussite de cet amour. Le lecteur est touché par cette fin séparant les deux amants à jamais. Manon se révèle enfin au lecteur et à Des Grieux mais meurt.
II – Les autres intérêts du roman qui s’éloignent de la thématique amoureuse
- Les péripéties nombreuses font du roman un roman d’aventures. Le rythme du récit est très dense et emporte le lecteur au fil des pages. Les amants se séparent, se retrouvent créant un rythme dense. Par exemple ils sont séparés plusieurs fois, jusqu’à la fin du roman. Alexandre Dumas (Les Trois Mousquetaires) construit aussi ses romans selon le principe des rebondissements successifs s’éloignant parfois de toute vraisemblance mais créant l’envie du lecteur.
- Des personnages toujours en mouvement – jamais les personnages principaux ne se posent et ne vivent une vie paisible. Par exemple ils s’installent à Chaillot mais un incendie leur fait perdre leur fortune. Des Grieux se met alors à jouer et à tricher. Leur marginalité aussi attire le lecteur qui se laisse guider par leurs mauvaises actions. La prison revient régulièrement dans le roman, pour l’un ou pour l’autre.
- Un récit qui s’éloigne parfois du tragique et se rapproche du comique : le récit fait rire aussi. Par exemple Des Grieux se laisse passer pour le frère de Manon lors du souper avec le Vieux M. de G… M… ou l’épisode du Prince italien où Des Grieux est ridiculisé par Manon.
III – Le plaisir de lire passe par le motif de la passion mais aussi celui d’être instruit sur celui-ci
- Une réflexion sur la passion et ses conséquences : Dès l’avis au lecteur, le narrateur/auteur annonce une réflexion morale à porter sur l’histoire de Des Grieux. Il dit « l’instruire en l’amusant » « chaque aventure est un modèle d’après lequel on peut se former ». Au-delà du plaisir, se cachent la leçon et le précepte classique « placere et docere ».
- La valeur sociale de l’ouvrage : Le roman dépeint la société de la Régence à travers cette histoire. Les différences sociales entre les deux héros sont un indice pour mieux comprendre le fonctionnement de la société et de la justice. Marivaux fait de même dans La Vie de Marianne, roman-mémoires pour témoigner de la réalité sociale du XVIIIe siècle.
- Un amour subjectif et mystérieux qui ne dit pas tout : Le roman fait débat car le narrateur qui conte ses amours a un avis très tranché sur la finalité de la passion amoureuse. Le lecteur n’a accès qu’au point de vue de Des Grieux et ne connaît pas vraiment celui de Manon.
Corrigé de la dissertation sur La Peau de Chagrin de Balzac
Sujet B : Peut-on lire La Peau de chagrin comme le tableau d’un monde exténué
Le sujet porte sur le cadre du roman balzacien et son regard critique sur la société.
Problématiques possibles :
- Le roman La Peau de Chagrin n’est-il que le reflet d’une vision pessimiste ?
- La société décrite par l’auteur dans l’œuvre est-elle seulement corrompue et fatiguée ?
Plan dialectique
I – La représentation d’une société essoufflée
- La peinture d’un personnage principal fatigué : Le roman s’inscrit d’abord dans une situation initiale confrontée à l’envie de suicide du personnage principal. Au début du roman Raphaël veut se noyer après avoir perdu au jeu. Son père a perdu ses terres sous la Restauration, privant Raphaël d’une fortune confortable. Le roman commence déjà sur l’échec de l’envie de vivre. Puis lors de la détention de la peau, alors qu’il aurait pu faire des choses grandioses, il gâche son pouvoir.
- Il est le symbole d’une génération sacrifiée avec pour toile de fond la monarchie de Juillet. Le banquet Taillefer dans la 1ère partie « Le Talisman » montre une orgie nocturne. Raphaël ainsi que ses amis sont confrontés à une situation politique consternante. L’absence d’idéal nuit à la jeunesse qui tente d’oublier dans des excès de débauche. Nous pouvons faire un lien avec le début de la Confession d’un enfant du siècle de Musset qui glorifie Napoléon et parle du Mal du siècle dont il est sujet.
- Une société corrompue, matérialiste et cupide : Rastignac écarte Raphaël de l’étude et lui fait découvrir la haute société. Cette société est représentée par exemple par la comtesse Foedora. Sa beauté et son charme provoquent l’amour des hommes. Mais elle ne se donne à aucun et vit le cœur sec. Elle vit dans le luxe et demeure cupide. Comme elle est riche, elle pense que tout s’achète. Lorsqu’elle se montre charmante avec Raphaël c’est pour se servir de lui. D’autres auteurs se sont intéressés à la société et ses travers comme Zola ou Flaubert. Dans Mme Bovary, le personnage est aussi admiratif de la haute société mais ne peut y participer.
II – Une énergie cachée
- La valorisation du savoir : Un personnage fait figure d’exemple, c’est La figure de l’antiquaire, sage et économe. Il fait la leçon à Raphaël et le prévient : « Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit ». Savoir permet de trouver la solution à ce problème. Raphaël est lui-même l’auteur de la Théorie de la volonté, il s’éloigne par cette écriture des désirs matériels.
- La possibilité du renouveau avec la Peau de Chagrin : Raphaël en recevant la Peau est maintenant en possession d’un pouvoir exceptionnel. Il connaît aussi la date de sa mort. C’est une réserve vitale mais qui s’affaiblit selon les souhaits. Elle promet la réalisation de tous les désirs du héros et empêche son suicide. Il choisit alors de vivre de manière excessive.
- L’idéal amoureux incarné par Pauline : elle est prête à se sacrifier par amour pour Raphaël. C’est une femme au cœur pur qui montre la possibilité d’une douceur et d’une simplicité s’éloignant de la figure superficielle de Foedora. Les auteurs romantiques comme Hugo aiment créer des images féminines idéalisées qui permettent de témoigner d’une forme de pureté amoureuse.
III – La complexité d’un univers pris entre deux tensions : énergie et destruction
- Raphaël et sa rupture avec la société – Un personnage ambigu, qui hésite entre énergie et destruction : Afin de retrouver son énergie, le personnage se retrouve seul à la fin du roman. Il se réfugie dans la nature, en Auvergne. Il rencontre une famille qui se caractérise par la simplicité. Le personnage semble retrouver le bonheur. Mais son passé le rattrape.
- Un roman fantastique qui se lie au réalisme : le roman mélange les deux tendances et crée un élan antithétique. L’accumulation des objets au début du roman en est un exemple. Le magasin d’antiquités est un témoignage du passé et montre ses merveilles, s’éloignant du présent « exténué »
Corrigé de la dissertation sur Sido suivi de Les Vrilles de la vigne de Colette
Sujet C : Peut-on considérer Sido et Les Vrilles de la vigne comme des œuvres de l’émerveillement ?
Le sujet porte sur le décor et l’atmosphère du roman de Colette.
Problématiques possibles :
- Les deux œuvres sont-elles le reflet d’une célébration du monde de Colette ?
- Quelle est la mesure de l’adoration de l’auteure pour l’univers de son enfance ?
Plan dialectique
I – La représentation d’un monde magique qu’elle décide d’honorer
- Le récit met en valeur les êtres : dans Sido nous avons des souvenirs familiaux. Les titres affichent l’importance de sa famille comme sa mère Sido, son père « Le Capitaine » ou ses frères et sœur « Les Sauvages ». On constate des surnoms affectifs. Puis dans Les Vrilles de la vigne elle parle de son amante Missy dans trois chapitres. Colette magnifie plus particulièrement la relation de ses parents, le capitaine et Sido.
- Colette met en valeur la nature : le cadre de la maisonnée est à l’orée des champs et de la forêt – description des jardins, des fleurs, des plantes. L’auteure met en valeur le végétal, les pensées, la glycine ou le rosier cuisse-de-nymphe. Le texte s’inscrit dans une description de la botanique. Le titre « Les vrilles de la vigne » met en valeur les plantes.
- La mise en valeur des animaux : Colette aime les animaux et cela se ressent dans leur description. L’importance de ceux-ci est liée au fait qu’ils sont rattachés à sa mère. Elle apprend à sa fille à accorder de l’importance aux bêtes – le merle par exemple mangeant la cerise – les animaux sont personnifiés et parlent. Toby-Chien devient une bête anthropomorphe, un personnage de roman. Le discours direct transmet ces impressions. Dans La Chatte de Colette elle fait d’ailleurs parler l’animal et se concentre sur ses pensées.
II – Un monde disparu
- La mélancolie et la nostalgie du passé : Tout ce monde a disparu, le jardin par exemple « J’appartiens à un pays que j’ai quitté » est chanté dans « Jour gris ».
- Les parts d’ombre de ce monde : l’embellissement s’éloigne parfois de la réalité. Par exemple sa mère était aussi très intransigeante et possessive. Son jugement et hâtif par rapport à leurs voisins. Il y a en effet un hommage à cette mère mais il faut aussi comprendre dans cette lecture que les relations entre la mère et la fille ne sont pas si faciles.
III – Un monde inoubliable retranscrit grâce à l’écriture – entre poésie et autobiographie
- Une écriture qui tend vers l’autobiographie – Colette se rappelle avec tendresse ces moments et s’en sert pour effectuer une réflexion sur le temps qui passe. Elle embellit ce monde disparu mais s’amuse aussi à brouiller les pistes avec l’autobiographie ne donnant parfois pas le vrai nom des personnes qui ont peuplé sa vie. Marcel Proust fait de même dans son cycle romanesque « A la recherche du temps perdu ».
- Une place importante accordée à la figure maternelle : Sido est celle qui provoque l’émerveillement et guide l’enfant dans son approche de la nature. Le personnage est divinisé et symbolise une complicité avec sa fille. Colette se sent responsable de cette transmission dont elle parle dans « Maquillages ».
- Une nostalgie qui tend pourtant vers la joie de retrouver des moments disparus : Colette sait que ces moments sont impossibles à retrouver mais lorsqu’elle regarde la nature elle se souvient et célèbre ces instants à travers ses sensations.
Les épreuves du Bac de français représentent une partie importante de la note finale du Baccalauréat. Le dossier Parcoursup étant un élément important dans la sélection des formations post-Bac, il ne faut pas négliger ces épreuves de Première. Nos professeurs apportent les connaissances et la méthodologie nécessaire à la bonne réussite de leurs écrits et oraux.