La France manque d’ingénieurs, comment faire face à la pénurie ?

Post-Bac Ingénieurs

La France a besoin de 10 000 ingénieurs supplémentaires

Que se passe-t-il dans notre industrie ? Depuis quelques années, les entreprises françaises sont confrontées à une pénurie d’ingénieurs qualifiés ! Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle risque d’handicaper la capacité de notre pays à innover et à rester compétitif sur la scène internationale. Comment expliquer cette situation ? Et comment parvenir à former 10000 ingénieurs supplémentaires chaque année?

Pourquoi a-t-on besoin de plus en plus d’ingénieurs en France ?

Si la désindustrialisation de notre pays a commencé dans les années 1970 avec les fermetures des mines et de la filière sidérurgique, celle-ci s’est poursuivie sans discontinuer jusqu’au milieu des années 2010. En 1970, l’industrie représentait 22,3 % de la valeur ajoutée dégagée par l’économie française et 23 % des emplois. En 2014, ces chiffres étaient respectivement tombés à 13 % et 11,2 %.

Les délocalisations et le basculement vers une économie tournée vers les services ont accéléré cette tendance. Mais ce désengagement du secteur industriel, qui a causé chômage et drames personnels, semble avoir atteint ses limites. En effet, depuis une dizaine d’années, les politiques souhaitent ré-industrialiser la France

Ne plus maîtriser la production de ce que l’on consomme présente un triple inconvénient :

  1. Une perte d’indépendance, qui nous livre aux aléas des marchés internationaux et des situations géopolitiques parfois tendues.
  2. La déconnexion avec l’innovation et la perte de savoirs-faire.
  3. La démultiplication des transports, grands producteurs d’émissions de CO₂ nuisibles pour la planète.

La ré-industrialisation est donc devenue un enjeu majeur aujourd’hui. Et pour cela, il est nécessaire de disposer des compétences adaptées. Vouloir par exemple développer la « french tech » demande de nombreuses pointures en matière de nouvelles technologies numériques. La formation d’ingénieurs est au cœur de cette stratégie et c’est pourquoi les programmes des écoles d’ingénieurs se sont adaptés pour répondre à ces nouveaux besoins de l’industrie, encourageant l’innovation et le développement durable.

Les défis du numérique

Le secteur du numérique, émergent voici une vingtaine d’années, est rapidement devenu l’un des plus dynamique. Malgré ses moyens et effectifs, la France ne démérite pas, au contraire, même si de nombreux « cerveaux » et entrepreneurs préfèrent faire leur carrière à l’étranger, en particulier aux USA, où le cadre de travail et les salaires paraissent plus intéressants. Pour maintenir et accroître sa position dans l’économie numérique mondiale, la France doit impérativement organiser les conditions propices au développement d’un secteur qui rayonne maintenant sur tous les autres : automobile, batiment, éducation, etc.

La transition énergétique et environnementale

L’autre enjeu majeur auquel doit faire face l’économie française se situe du côté de l’écologie. Elle doit faire sa mutation vers des pratiques éco-compatibles. Ce défi majeur est également une opportunité exceptionnelle pour gagner des parts de marché au niveau mondial. En effet, avec une filière numérique de pointe, la France est plutôt bien placée pour développer des technologies propres, efficaces et durables, et pour mettre en œuvre des stratégies de transition énergétique dans différents secteurs.

Mais la France ne forme pas assez d’ingénieurs. En effet, répondre à tous ces enjeux fondamentaux nécessite des moyens matériels et humains conséquents. Or c’est sur ce second point que le bât blesse actuellement. Les entreprises industrielles tournent à plein et peinent à recruter les bons profils en nombre suffisant. La raison ? Tout simplement un manque d’écoles d’ingénieurs. Les chiffres avancés communément font état d’une pénurie d’au moins 10 000 ingénieurs.

Selon Dominique Baillargeat, l’une des vice-présidentes de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieur (CDEFI), l’économie française a besoin de 50 000 à 60 000 nouveaux ingénieurs diplômés par ans, alors que les écoles françaises n’en forment que 40 000 actuellement. D’où un déficit d’au moins 10000 par an. Chaque année, la situation empire et risque d’aboutir à des catastrophes pour de nombreuses entreprises industrielles en manque de compétences au cours de cette décennie.

Comment peut-on expliquer ce déficit ? Contrairement à ce que l’on constate en médecine, il ne s’agit nullement d’une politique délibérée visant à réduire les recrutements. Pas de numérus clausus pour les études d’ingénieurs. Les racines du phénomène sont à chercher ailleurs, du côté de l’image du métier d’ingénieur et d’un certain manque d’attractivité.

Les filières scientifiques ne font pas le plein

Le manque d’attractivité des filières scientifiques dès le lycée est l’une des causes principales de cette pénurie. Les matières comme les mathématiques, essentielles pour les études d’ingénieur, peinent à susciter l’intérêt d’une majorité d’élèves. Cette désaffection s’explique en partie par l’image persistante d’élitisme des grandes écoles d’ingénieur et par la représentation stéréotypée de professions réservées aux hommes.

En 2023, plus de sept élèves ingénieurs sur dix sont des hommes ! Est-ce lié à l’image d’Épinal de métiers encore associés à l’usine et aux machines ? Même si tout cela a énormément évolué, il semble que les jeunes femmes conservent un a priori très négatif de ce monde professionnel. Non qu’elles soient toutes rebutées par les filières scientifiques : la médecine, la biologie, l’agronomie sont des matières dans lesquelles elles excellent et sont majoritaires.

Des professions d’ingénieur souvent mal connues

La méconnaissance des professions d’ingénieur contribue donc pour beaucoup à cette situation de pénurie de candidats. Beaucoup d’étudiants, même à l’approche du Baccalauréat, ont une vision limitée de ce que signifie devenir ingénieur, réduisant souvent ce métier à quelques clichés éloignés de la réalité professionnelle. Or, c’est en particulier dans les secteurs les plus innovants, comme les nouvelles technologies, bien éloignées du monde de la production industrielle, que l’on recherche ces perles rares. Manque de communication, entre-soi, réminiscences du passé, les facteurs expliquants se désamour et se manque de connaissance des métiers de l’ingénierie sont nombreux.

Des formations et des professions loin des attentes des étudiants

De surcroît, les attentes des jeunes étudiants ont profondément changé. La voie des grandes écoles d’ingénieur a longtemps été recherchée pour la carrière prometteuse et les émoluments très intéressants qu’elle faisait miroiter. Mais les choses ont profondément changé chez les étudiants : une grande partie d’entre eux n’envisagent plus de faire une Classe Préparatoire aux Grandes Écoles, mais recherchent un travail en phase avec leurs valeurs.

Les formations d’ingénieurs post-prépa, ou du moins ce qu’elles laissent présumer ne répondent pas toujours aux attentes des jeunes en termes d’engagement écologique, social et responsable. Avoir un impact positif sur la société et l’environnement devient une motivation majeure pour une bonne part d’entre eux. Ce qui fait qu’ils se détournent parfois de ces formations jugées déconnectées de leurs enjeux.

De nombreuses propositions existent pour augmenter le nombre d’ingénieurs en France

Le défi est de taille : former 10000 ingénieurs supplémentaires par an. Le gouvernement a bien l’intention de s’atteler à cette tache, en lançant le plan industrie verte. Mais d’autres voies sont également envisagées.

Le plan industrie verte du gouvernement

Le gouvernement a lancé un plan ambitieux pour soutenir l’industrie verte, afin de répondre aux exigences de la transition environnementale. L’objectif affirmé par Bruno Lemaire, le ministre de l’Économie :  Faire de la France la championne de l’industrie verte en Europe. Pour ce faire, elle doit compter sur une armée d’ingénieurs, dont une partie manque encore à l’appel.

C’est pourquoi le ministre a annoncé plusieurs mesures ou cibles à atteindre d’ici 2030 :

  • Une hausse de 22 % des places en école des Mines-Télécom, afin d’atteindre 2300 élèves supplémentaires à l’horizon 2027.
  • La féminisation des effectifs à l’école des Mines-Télécom. Représentant actuellement 20 % des élèves, le taux de jeunes femmes doit atteindre 28 % en 2030.
  • L’ouverture de places supplémentaires dans les IUT, les licences professionnelles, les formations en master et en doctorats. On espère ainsi former 1 million de diplômés d’ici à 2030.
  • Une enveloppe de l’ordre de 700 millions d’euros pour financer des formations liées au verdissement de l’économie.

Sans plus de précision sur les méthodes utilisées pour mettre ce plan en musique, il est difficile d’estimer sa pertinence. Mais d’autres attentes se font jour, en particulier dans le monde de l’enseignement.

Comment favoriser l’orientation vers les études scientifiques ?

Les évaluations nationales et internationales se succèdent et elles pointent en particulier la fragilité des savoirs en mathématiques des élèves français. Dès la fin de l’école élémentaire, les premiers signes d’un décrochage apparaissent. Plus les élèves progressent de l’école au collège, puis au lycée, plus les différences entre élèves de milieux favorisés et défavorisés s’accroissent. Il est clair que la manière d’enseigner les mathématiques, mais aussi d’autres matières, aboutit à des situations extrêmement discriminantes. Les formations scientifiques et les écoles d’ingénieurs sont ainsi très majoritairement investies par les enfants de cadres supérieurs, d’enseignants et de professions libérales.

La fédération des professionnels de l’ingénierie suggère d’étendre et de généraliser des dispositifs comme les cordées de la réussite. Celui-ci garantit un continuum d’accompagnement de la 4ème à la fin du lycée et dans l’enseignement supérieur, assuré par des enseignants, des étudiants tuteurs et soutenu par l’éducation nationale. Le but est de faire connaître les filières et les métiers, lutter contre l’autocensure et faire naître l’ambition de suivre une carrière scientifique.

On l’a dit plus haut, les préoccupations des jeunes étudiants se focalisent bien souvent sur les défis majeurs qui attendent notre planète. Selon une étude récente, plus de 8 étudiants sur 10 se disent angoissés par la question de l’évolution climatique et 7 sur 10 jugent que les écoles traitant de ce thème sont plus attractives.

Les écoles d’ingénieur se tournent de plus en plus vers des formations intégrant les problématiques environnementales, ainsi que celle plus générale de la transition écologique. Et cela fonctionne, attirant plus d’étudiants qu’elles n’offrent de places. Les écoles n’ont d’autre choix que de miser sur cette tendance de fond, reposant sur des savoirs porteurs d’avenir.

Les écoles de commerce vantent souvent la qualité de vie étudiante sur leurs campus et en comparaison les écoles d’ingénieurs apparaissent moins glamours mais, comme le rappelle Dominique Baillargeat directrice de l’école 3iL Ingénieurs dans une interview au Figaro Étudiant, les établissements supérieurs formant les ingénieurs offrent des espaces de vie, de travail, de repos et d’épanouissement favorisant des études dans les meilleures conditions. De plus, les écoles d’ingénieurs sont souvent dotées d’équipements technologiques de dernière génération. Rappeler ces réalités pourrait également faire venir des étudiants intimidés par l’ingénierie.

Est-il possible de rendre les études d’ingénieur plus attractives ?

Le développement des écoles d’ingénieurs recrutant directement après le baccalauréat via des concours post-bac plutôt qu’après les traditionnelles prépas scientifiques renforce l’attractivités des études d’ingénieurs auprès des nouvelles générations. Avec ces études plus concrètes, plus porteuses de sens, les étudiants se projettent d’avantage dans un projet professionnel que dans des études plus théoriques des Classes Préparatoires aux Grandes Écoles.

Les principaux concours des écoles d’ingénieurs post-bac sont :

De quoi à créer de nombreuses vocations pour les études d’ingénieurs et ainsi répondre à la pénurie de main d’oeuvre que rencontrent les nombreux domaines de l’ingénierie en France.

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