La pénurie de professeurs plane sur la rentrée scolaire 2024-2025
La rentrée scolaire 2024-2025 a-t-elle vu un enseignant devant chaque classe ? Sans vouloir divulgâcher ce beau suspens, voici un indicateur parlant : cette année, nul […]
Chaque année, des millions d’heures d’enseignement sont perdues pour les élèves. Une situation alarmante qui n’est pas récente. La raison ? Les arrêts maladie, les journées de formation, la surveillance d’examen et bien sûr, tout ce qui entre sous le vocable officiel d’« absences de courte durée ». Critiquées de longue date par les parents d’élèves, ces absences sont un sujet récurrent. Cette année 2023, le Président de la République a communiqué sur sa volonté d’y mettre fin. Mais les moyens proposés sont-ils à la hauteur de cet objectif très ambitieux ? Une mesure parmi d’autres a particulièrement frappé les enseignants : le recours aux assistants d’éducation pour pallier une partie du problème.
En matière de chiffres, la bataille fait rage en ce qui concerne les absences de professeurs au lycée. D’un côté, le ministère de l’Éducation annonçait en avril 2023 que les élèves avaient perdu environ 15 millions d’heures d’enseignement non remplacées à cause des absences. De l’autre, la Cour des comptes avançait quelques mois plus tôt le nombre plus modeste de 2,5 millions d’heures, dont seulement 500 000 auraient été remplacées. Mais celle-ci dénonçait également de lourdes lacunes dans la recension de ces heures perdues.
Qui croire ? Le ministère a détaillé son estimation : sur les 15 millions de journées qu’il avance, plus de la moitié serait due à des raisons individuelles comme des arrêts maladie ou des congés maternité. 1,5 million d’heures seraient à chercher du côté des formations continues prises sur le temps de service des professeurs. Il resterait ainsi 5 millions d’heures non enseignées imputables à l’indisponibilité des locaux ou des enseignants, lorsque ceux-ci sont mobilisés par leurs responsables pour l’organisation des examens principalement. Mais ces chiffres sont largement contestés. En effet, dans les 8,5 millions d’heures perdues pour des raisons individuelles, sont mélangées les absences de courte durée et celles de longue durée, comme les congés maternité. Finalement, personne n’est capable d’avoir une idée précise de ce fléau !
Commençons par une définition importante. L’absence de courte durée est très précisément cadrée, il s’agit d’une absence de moins de deux semaines et surtout d’une absence prévisible, soit un congé maladie, des congés exceptionnels, une formation, etc.
En 2005, un décret est venu clarifier la procédure des remplacements. Les chefs d’établissement, devant le constat d’une absence courte, pouvaient faire appel aux enseignants de leur structure. Les volontaires étaient les premiers appelés à pourvoir les postes provisoirement vacants. Cependant, en cas de nécessité, par exemple un manque de volontaires, le principal ou le proviseur avait le droit de réquisitionner un professeur, normalement dans sa propre discipline. Toutefois, des limites étaient posées puisqu’un enseignant ne peut pas effectuer plus de 60 heures de remplacement de courte durée par an ou plus de 5 heures supplémentaires toutes catégories confondues par semaine.
Cela ne suffi pas à combler les manques et au fil des années, un fait est établi : le nombre des absences de courte durée non remplacées a augmenté.
Face à cette dégradation et au problème pédagogique qu’elle peut entraîner, tous les acteurs de l’éducation sont d’accord sur un point : il est nécessaire de redresser la barre et de trouver des solutions pour améliorer le service de l’éducation. La volonté affichée du chef de l’État en la matière peut-elle fédérer les bonnes volontés ? Et la solution proposée par le nouveau ministre de l’Éducation Nationale Gabriel Attal, qui s’appuie entre autres sur le Pacte enseignant, peut-elle être la clé pour répondre au problème des absences de professeurs non remplacées au Lycée ?
Introduit au détour d’une note de service en mars 2023, le Pacte enseignant consiste à proposer aux professeurs, conseillers principaux d’éducation et psychologues de l’éducation nationale, des missions complémentaires. Ceux-ci s’engagent à effectuer un certain volume horaire sur des missions plus attractives et mieux rémunérées.
Mais ce dispositif a immédiatement rencontré la méfiance d’une partie du corps enseignant. Les syndicats reconnaissent que, dans les missions évoquées comme pouvant faire partie du pacte, un certain nombre d’entre elles pouvaient apporter un réel plus pédagogique pour les élèves en difficulté. Mais de sérieuses interrogations portent sur un possible creusement des inégalités entre enseignants et sur le rapport ambigu que peut induire la signature d’un pacte entre le chef d’établissement et un professeur. Surtout, le soupçon principal des syndicats enseignants repose sur les motivations réelles de ce pacte. Ils craignent en effet qu’au-delà d’un habillage savamment rédigé, ce système n’ait pour véritable fonction que de viser les remplacements de courte durée.
La procédure décrite dans le décret met en avant un certain nombre de mesures complémentaires afin de combler une partie du problème des absences d’enseignants au Lycée :
On note, enfin, qu’un autre décret, du 12 août, celui-ci, introduit le Pacte enseignant dans le privé où les absences des enseignants sont également un problème.
La publication du décret a suscité une levée de boucliers. Deux griefs principaux sont avancés.
L’obligation pour un enseignant ayant signé un pacte de se consacrer prioritairement et compte tenu de la demande, principalement, aux remplacements de courte durée, confirme les soupçons des syndicats et de la majorité du personnel éducatif. Ils pourront éventuellement, s’ils ont de la chance, consacrer quelques heures à une activité pédagogique qui fait sens, mais la majorité de leur engagement risque bien d’être consacrée à remplacer des collègues. À la déception devant l’abandon vraisemblable de missions qui faisaient sens, s’ajoute selon le SNES une perte de liberté professionnelle et personnelle.
Les représentants des enseignants fustigent une double mise sous tutelle :
La formation des Assistants d’éducation, qui sont en réalité des surveillants, ne les prépare pas à encadrer des sessions pédagogiques. Pour exercer cette profession, il faut être titulaire d’un Baccalauréat, sans autre formation à l’enseignement. Sur quelle tâche vont-ils alors intervenir ? Le décret précise qu’en cas d’absence de leur professeur, les élèves pourront « suivre des séquences pédagogiques à l’aide d’outils numériques ». Traduction : ils seront appelés à suivre de petites vidéos, des exercices en ligne ou interactifs, des cours en ligne, sous l’encadrement des AED.
Or, les assistants d’éducation sont déjà notoirement en nombre insuffisant dans de nombreux établissements, assurant parfois simultanément la surveillance des élèves, leur sécurité et d’autres tâches administratives. Une fois encore, les syndicats d’enseignants réagissent très négativement, estimant que mobiliser davantage les AED pour des remplacements de courte durée risque d’accroître leur charge de travail et leur stress. Sans formation particulière, comment peuvent-ils accompagner les élèves devant les outils numériques ? Ils ne sont pas qualifiés pour répondre aux questions sur les différentes matières enseignées au lycée.
De plus, l’idée de séances pédagogiques numériques nécessite des infrastructures existantes : salles informatiques, matériels adéquats alors que les salles équipées d’outils numériques adaptés sont déjà très sollicitées dans la plupart des établissements.
Les bonnes intentions du ministre ne sont pas à remettre en question. Il existe un réel problème de remplacement des absences qui dégrade le parcours pédagogique des élèves, c’est indéniable. S’y attaquer est une nécessité que nul ne conteste. Les mesures proposées montrent cependant leurs limites.
La plus importante est ce qu’elles proposent comme qualité pédagogique aux élèves :
Il ne s’agirait finalement selon les opposants à cette réforme, que de maintenir les élèves dans un environnement studieux, qu’importe ce qu’ils étudient réellement. On comprend bien que le manque criant de moyens de l’Éducation nationale ne peut se résoudre rapidement. Si les syndicats pointent souvent à juste titre les failles du système et en l’occurrence, tous les défauts imputables à ce décret, ils ne font de propositions concrètes et réalistes pour résoudre le problèmes des absences de professeurs non remplacées.
Les mesures avancées ne sont certainement pas idéales, traitant insuffisamment la question pédagogique des remplacements et bousculant sensiblement une profession déjà bien découragée. Toutefois, elles manifestent une volonté d’agir et elles pourront évoluer au fil des ans et peut-être, trouver un certain équilibre profitable à tous.
Au Cours Thalès, chaque stage de soutien scolaire au Lycée est animé par un professeur certifié ou agrégé de l’Éducation nationale ayant la passion de transmettre son savoir aux élèves dans une atmosphère d’exigence bienveillante. Consultez notre page À Propos pour en savoir plus.