Qui est Nicole Belloubet, la nouvelle ministre de l’Éducation ?

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L’Éducation nationale et le système éducatif français sont dans la tourmente depuis quelques années. Réforme radicale après réforme radicale, manque de moyens, crise des recrutements, questions sociétales qui pénètrent les collèges et lycées, harcèlements, etc. La récente valse des ministres sous la seconde mandature présidentielle d’Emmanuel Macron n’a pas arrangé la situation, ayant plutôt pour effet de déstabiliser encore un peu plus l’école de la République. La nouvelle ministre Nicole Belloubet parviendra-t-elle à redresser la barre ? Coup de projecteur sur la ministre qui connaît bien l’Éducation nationale.

Nicole Belloubet a une bonne connaissance de l’éducation

Depuis le début du second quinquennat d’Emmanuel Macron, Nicole Belloubet est la quatrième ministre de l’Éducation. Après Pap Ndiaye resté à peine plus d’un an, Gabriel Attal qui a cherché à imprimer sa marque en moins de six mois, suivi d’Amélie Oudéa-Castéra et son passage éclair d’un petit mois. Nicole Belloubet, nommée le 8 février 2024, pourra-t-elle profiter d’un temps long pour apaiser un monde enseignant traumatisé par tous ces changements ?

L’un de ses atouts est sa bonne connaissance de l’intérieur du monde de l’éducation. Nicole Belloubet, agrégée de droit public, a en effet été professeure des universités. Elle a été rectrice de l’académie de Limoges de 1997 à 2000, puis de celle de Toulouse jusqu’en 2005. Dans le même temps, elle a présidé le Comité interministériel de pilotage pour la promotion de l’égalité des sexes dans les systèmes éducatifs.

Son parcours dans l’éducation s’est poursuivi à l’Institut d’Études Politiques de Toulouse, où elle a enseigné le droit communautaire à partir de 2008. Sa carrière politique ne l’a jamais éloignée durablement du système éducatif. Jusqu’à sa nomination au gouvernement, elle était encore Présidente du conseil d’administration de l’IEP de Toulouse.

Une carrière politique est venue se greffer sur son parcours professionnel dans l’éducation

Nicole Belloubet s’est lancée en politique avec le Parti socialiste auquel elle a adhéré dès 1983. Sa première tentative de se faire élire aux élections municipales à Saint-Rémy-les-Chevreuses en 1989 a été infructueuse de quelques voix. On la voit rebondir quelques années plus tard à Toulouse, en 2008, quand elle devient première adjointe chargée de la culture de la ville, puis en 2010 première vice-présidente du conseil régional de Midi-Pyrénées. Elle y est chargée de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Son entrée au Conseil constitutionnel en 2013 marque un tournant dans sa carrière et dans l’histoire du Conseil constitutionnel. Elle est en effet la première femme professeur de droit pénétrant dans l’institution et la septième femme membre de l’institution. Nommée pour 9 ans, elle quitte pourtant le Conseil constitutionnel en 2017 pour devenir ministre de la Justice et garde des Sceaux dans le gouvernement d’Édouard Philippe. Nicole Belloubet y a porté des projets de loi importants visant à renforcer la confiance dans la vie politique et à protéger les victimes de violences sexuelles. Sa gestion de la crise pénitentiaire en 2018 et sa préparation du projet de loi de programmation 2018-2022 pour la justice témoignent de son engagement pour un système judiciaire plus efficace et plus équitable.

À chaque ministre ses polémiques

Comme toute figure publique, Nicole Belloubet a été au cœur de plusieurs polémiques. Cela commence naturellement lors de son entrée au gouvernement en juin 2017, date à laquelle elle oublie de déclarer une partie de son patrimoine immobilier, rectification effectuée six mois plus tard.

Sa gestion de l’affaire Mila a été remise en cause. Cette adolescente harcelée en ligne publie sur les réseaux sociaux une vidéo critiquant violemment l’Islam. La première réaction de la ministre, loin de soutenir l’adolescente, a été de critiquer le blasphème en affirmant que « l’insulte à la religion, c’est évidemment une atteinte à la liberté de conscience, c’est grave ». Elle est rapidement revenue sur sa position, présentant ses excuses pour son expression « maladroite ».

Nicole Belloubet est-elle vouée à appliquer une politique qu’elle contestait ?

Les prises de position passées de la nouvelle ministre de l’Éducation semblent parfois en contradiction avec la politique menée aujourd’hui en matière d’éducation. En 2005, Nicole Belloubet quitte son poste de rectrice de l’académie de Toulouse, réagissant contre la réduction du nombre d’enseignants et la suppression des travaux personnels encadrés. Depuis, les réductions d’effectifs se sont accélérées. Qu’en pense la ministre et aura-t-elle les moyens d’y remédier ?

En 2016, dans un article d’une revue universitaire, elle critique vertement les « fariboles sur la restauration de l’autorité ou le port de la blouse ». C’est à elle, aujourd’hui, de mettre en place l’expérimentation sur le port de l’uniforme.

Enfin, dans les mêmes années, Nicole Belloubet soutenait la réforme du collège initiée par Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre de l’Éducation. Cette même réforme considérée comme mère de tous les maux par l’actuel Premier ministre, Gabriel Attal.

Comment la ministre va-t-elle gérer ces dissonances ?

Les principaux dossiers pour la nouvelle ministre

Contradictions ou simples ajustements, la ministre se trouve quoi qu’il en soit devant des chantiers et des dossiers sensibles.

1 – Restaurer la confiance du monde enseignant

C’est certainement le chantier le plus difficile et le plus urgent de la nouvelle ministre. Les moyens lacunaires de l’éducation nationale ont depuis un moment fait des ravages dans l’organisation des collèges et lycées. Le manque d’enseignant de fait chaque année plus criante et les réformes instaurées sous le ministère de Jean-Michel Blanquer, puis les annonces faites par Gabriel Attal, ont fortement échaudé la grande majorité des professeurs et personnels encadrants. Le passage éclair d’Amélie Oudéa-Castéra, évincée à la suite de propos pour le moins inappropriés a fini de saper la confiance dans les autorités de tutelle.

Les premiers pas de Nicole Belloubet tout comme ses paroles ont d’emblée marqué une rupture par rapport à sa prédécesseure. Cherchant à minimiser l’ampleur de certaines mesures annoncées et se voulant à l’écoute des enseignants, elle privilégie le travail de fond, aux déclarations fracassantes. Mais même si c’est certainement une approche plus acceptable, cela ne garantit pas l’adhésion des professeurs. Comme le rappelle le président du Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale (SNPDEN), « Il n’y a pas de confiance, il n’y a que des preuves de confiance ! ».

2 – Accompagner l’expérimentation du port de l’uniforme à l’école

Cheval de bataille du président, le port d’un uniforme est fortement contesté par les parents d’élève comme par les enseignants et de nombreux chercheurs. Au point que le ministère peine à trouver les 100 établissements volontaires pour l’expérimentation qui doit débuter en septembre 2024. Il va falloir à la ministre désamorcer les frondes locales, faire preuve d’une grande persuasion et garantir au comité de pilotage une réelle autonomie.

3 – Mettre en place les groupes de niveau

La constitution de groupes de niveau en français et en mathématiques fait partie du « choc des savoirs » annoncé par Gabriel Attal. La mise en place de ces groupes de niveau doit se faire dès la rentrée 2024-2025 pour les classes de 6e et 5e. Bien que cette mesure vise à améliorer les résultats scolaires, elle suscite elle aussi une forte opposition de la part des enseignants et d’associations de parents d’élèves, qui craignent qu’elle n’accroisse l’inégalité entre les élèves. Les moyens investis dans la mesure, moins de 1000 enseignants supplémentaires, semblent bien maigres face à la refondation complète des classes et à la constitution des groupes de niveau. Les principaux et proviseurs craignent une rentrée chaotique, cette nouvelle organisation reposant de surcroît sur des critères encore assez flous. Enfin, la rapidité de sa mise en place (moins de six mois) pour une réforme si structurante reste un point d’inquiétude majeure.

4 – Redonner ses lettres de noblesse au métier d’enseignant

Parmi les défis qui attendent la nouvelle ministre, la crise du recrutement chez les enseignants devient de plus en plus aiguë. Ainsi, les places aux concours ne sont pas toutes pourvues dans certaines matières essentielles. En conséquence, il est de plus en plus difficile de remplacer des professeurs absents, de viser des étiages relativement faibles pour les classes, et de trouver des enseignants compétents. Comment revaloriser le métier, comment le rendre de nouveau attractif  ? Manifestement, le « pacte enseignant » qui avait été lancé sous Pap NDiaye n’est pas une réponse suffisante. Nicole Belloubet trouvera-t-elle la solution ?

5 – Faire de l’école un lieu plus inclusif

L’inclusion scolaire des enfants en situation de handicap n’est aujourd’hui pas optimale, contrairement aux promesses du gouvernement. Si près de 500 000 élèves en situation de handicap sont actuellement scolarisés dans le système scolaire ordinaire, ce qui représente une hausse d’un tiers en 8 ans, l’absence de moyens est de plus en plus criante, aboutissant souvent à des situations difficiles et perturbantes. Le manque de personnel formé interdit bien souvent la prise en charge effective des enfants handicapés, laissant les enseignants seuls face des cas complexes qu’ils ne savent ni n’ont le temps de gérer.

Le manque de moyens dans la formation des personnels aux troubles des apprentissages dits DYS : dyslexie, dyspraxie, dysphasie, dyscalculie, dysorthographie, dysgraphie, TDA/H (trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité) marque bien la différence entre la parole politique et les actions de terrain.

On le voit, les challenges ne manquent pas pour la nouvelle ministre, qui aura besoin de toute son énergie et du soutien sans faille de son administration. C’est le seul moyen de parvenir à réconcilier les acteurs de l’éducation et de tracer une ligne enfin cohérente et acceptée de tous permettant d’améliorer notre système d’éducation.

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