La Suède fait marche arrière et réintroduit les manuels scolaires dans l’éducation

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Depuis la démocratisation des outils numériques, on a vu se multiplier les polémiques. Celles concernant le rapport des enfants aux écrans et la pertinence de l’apport de tablettes dans leur éducation sont particulièrement vives. Ceci, d’autant qu’il existe encore peu de littérature scientifique faisant suffisamment autorité sur la question de l’impact des écrans sur le développement cognitif. Certains pays ont très vite adopté ces nouveaux outils, comme la Suède, dès le début des années 2010. Il est ainsi particulièrement significatif que ce même pays décide soudainement un complet retour en arrière, prônant la réintroduction des manuels scolaires en papier.

Les arguments du gouvernement suédois sont-ils convaincants ?

Dès l’introduction des tablettes dans les écoles, collèges et lycées du royaume scandinave, certaines voix s’étaient élevées, s’inquiétant de son impact. La Suède avait en effet pris rapidement le parti d’une pédagogie reposant sur le tout numérique. Mais les gouvernements successifs avaient jusque-là poursuivi cette politique sans remise en question, la décision inattendue du nouveau gouvernement de centre droit a donc surpris, largement au-delà des frontières suédoises.

Un classement international a suscité ce changement radical de politique

C’est sur la foi du classement Pirls (Programme International de Recherche en Lecture Scolaire / Progress in International Reading Literacy Study) que la ministre de l’Éducation, farouchement hostile aux écrans, a pris sa décision. Les tests de ce programme, décliné dans 66 pays du monde, sont posés à des élèves de CM1. Il s’agit d’évaluer la capacité des écoliers à rechercher de l’information pertinente dans un texte et à le comprendre.

Il est vrai que selon ce classement, en cinq ans, le nombre d’enfants ayant des difficultés de lecture est monté de 12 à 19%. Une progression inquiétante, qui ne remet cependant pas en cause la très bonne place de la Suède, qui demeure 3e des pays européens, là où la France est dans les derniers, en 16e position.

Une enquête publiée fin 2022, réalisée auprès des enseignants, mettait en évidence que selon eux un écolier sur cinq, un collégien sur trois et plus d’un lycéen sur deux n’écrivait rarement ou jamais à la main. Le rapprochement de ce constat avec les résultats du classement Pirls a conduit le gouvernement plutôt conservateur à désigner le coupable de l’augmentation des difficultés de lecture les outils numériques en vigueur dans les classes. Précisons que l’étude Pirls ne concerne que les écoliers et ne dit rien des élèves des autres degrés.

Feu sur les tablettes et le tout numérique !

La tablette se retrouve ainsi sous les feux de la critique. Pour marquer le retour de la lecture à l’école au détriment du temps d’écran, le gouvernement n’a pas lésiné sur les moyens. Il souhaite garantir un manuel scolaire par élève et par matière. Dès 2023, 60 millions d’euros ont été investis dans ce nouveau programme, somme qui sera suivie par de nouvelles dépenses de 44 millions en 2024 et en 2025. Rien n’est dit, par ailleurs, du destin des ordinateurs et tablettes qui, de facto, perdent tout ou partie de leur utilité. Par contre, le gouvernement espère réaliser des économies sur les photocopies papier, largement utilisées par les enseignants, qui utilisaient donc également le format papier.

En quoi la réponse du gouvernement suédois peut-elle résoudre ce problème ?

Le gouvernement suédois a clairement pris position en faveur d’un retour des manuels scolaires, soit d’une pédagogie plus classique. Le passage de l’ordinateur et des documents papiers photocopiés vers les livres scolaires traditionnels est-il pour autant une bonne stratégie dans une société dans laquelle écrans et numérique occupent déjà une place considérable ?

Le directeur de l’agence nationale de l’enseignement scolaire, défavorable quant à lui aux nouvelles mesures, plaide la cause des outils numériques. Il estime qu’il est aujourd’hui primordial pour tout élève d’avoir la possibilité de développer des compétences numériques, condition indispensable pour pouvoir participer à la vie sociale, aux études et à la vie professionnelle, c’est selon lui est une question de démocratie et d’égalité.

D’autres voix se montrent plus nuancées, comme ce professeur en neurosciences cognitives qui estime que la Suède a été trop vite dans la numérisation de l’enseignement. Toutefois, il ne remet pas en cause l’utilisation des tablettes et ordinateurs dans l’éducation.

Et si tout était une question d’équilibre ? Sans doute tout le processus de conversion au numérique n’a-t-il pas été totalement maîtrisé, mais les professeurs ont adapté leurs pratiques vis-à-vis des écrans. Sans données quantitatives sur le rapport écrans, papiers au cours d’une journée de scolarité, comment savoir si, finalement, le numérique aurait eu un effet négatif sur les questions de compréhension ? D’autant que d’autres facteurs ont pu également jouer.

Des experts mettent également en avant d’autres facteurs explicatifs

Il n’existe en effet aucune statistique sur le temps que passent effectivement les élèves suédois devant un écran pendant leur scolarité. Par ailleurs, la rapide équation : augmentation des difficultés de compréhension d’un texte = pédagogie par les écrans, n’a en rien été mise en évidence par quelque moyen scientifique. Car il s’est passé d’autres événements que la montée en puissance des tablettes dans les écoles entre 2016 et fin 2021, date des deux dernières vagues de l’enquête Pirls :

  • Une crise migratoire qui a vu arriver dès 2015-2016 de nombreux enfants dans les écoles qui maîtrisaient mal, voire pas du tout, le suédois
  • Deux années sous COVID et un enseignement en partie confiné et distancié.

Rappelons que, selon de très nombreux experts, le numérique, lorsqu’il est bien intégré, peut être un outil puissant et sa mise à l’écart n’est pas le gage d’une meilleure pédagogie.

La France est beaucoup moins avancée que la Suède en matière de numérique dans l’éducation

Selon l’ancien ministre de l’Éducation, Pap Ndiaye, l’école doit donner « à tous les élèves les compétences pour comprendre la transformation numérique, en explorer la richesse et éviter les pièges ». Plus de 40% des collégiens en 4e éprouvent des difficultés majeures à comprendre et à gérer les informations provenant des technologies modernes., contre 1% qui en maîtrisent totalement les aspects numériques.

Faute de moyens, tous les établissements peinent à s’équiper d’outils numériques opérationnels et l’enseignement est essentiellement axé sur le papier avec des manuels ou des photocopies. Le recours à des documents et exercices en ligne, ne représente qu’une petite partie du travail pédagogique, il s’agit d’une approche prudente, qui ne rejette pas le numérique, mais reconnaît au contraire le besoin de développer une compréhension plus profonde de ses implications.

La performance de la France dans les classements internationaux, comme le Pirls, ne témoigne pas de résultats éclatants en termes de compréhension de lecture, bien qu’elle n’ait pas pris aussi vite et totalement le train du numérique. En dessous de la moyenne des pays européens au classement Pirls, elle est très légèrement au-dessus de la moyenne globale des pays de l’OCDE pour ce qui est de la compréhension d’un texte chez les élèves de 15 ans (PISA).

La question du numérique n’est pas un critère explicatif de ces résultats médiocres. Par contre, on note depuis plusieurs années une augmentation des inégalités entre les élèves de milieux défavorisés et ceux issus de sphères avantagées. On peut s’interroger sur cette évolution et l’absence d’une politique robuste destinée à placer tous les élèves à un même niveau de maîtrise des écrans et de ce que l’on peut y lire ou y voir.

La Suède ne jette-t-elle pas le bébé avec l’eau du bain ?

De nombreux scientifiques alertent sur les effets négatifs, voire délétères, des écrans dans le développement cognitif des enfants. Trouble de l’attention, difficultés d’apprentissage et de concentration, les ravages d’un temps passé sans contrainte ni encadrement devant une télévision, une tablette ou un jeu vidéo sont réels et documentés. On constate également une grande influence en fonction de la présence ou non d’autres activités en dehors des écrans comme la lecture ou la communication.

Mais le recours au numérique dans l’éducation en est justement l’antidote. Apprendre aux enfants à développer leur sens critique devant une information vue sur internet, à vérifier des sources, à effectuer des requêtes pertinentes, cela fait partie de l’éducation. Rien n’oblige à abandonner les livres, des études ont montré que la lecture d’un texte sur écran est souvent plus vite oubliée et moins bien comprise. Mais supprimer les écrans à tout moment de la pédagogie, comme semble vouloir le faire la Suède, ne semble pas une solution sensée ni réaliste. Si tant est que les enseignants soient bien formés et disposent des ressources pédagogiques nécessaires, ils sont les mieux à même pour aider leurs élèves à vivre avec l’aide des écrans et non manipulés par eux.

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