La pénurie de professeurs plane sur la rentrée scolaire 2024-2025

Lycée

La rentrée scolaire 2024-2025 a-t-elle vu un enseignant devant chaque classe ? Sans vouloir divulgâcher ce beau suspens, voici un indicateur parlant : cette année, nul ne s’y est engagé comme l’avait fait en 2023 le Président de la République. Il est plus que vraisemblable que cette année encore, les établissements scolaires soient amenés à jouer du système D pour qu’en moyenne, chaque classe puisse se voir dispenser la majeure partie des enseignements au programme. Depuis plusieurs années, cette crise de recrutement des professeurs ne cesse de s’aggraver. Le défi est de taille : il s’agit d’affecter près de 850 000 enseignants devant 12 millions d’élèves, un exercice qui semble de plus en plus ardu à chaque rentrée.

Les concours d’enseignants ne font plus le plein

Près de 12 % des postes ouverts aux concours 2024 n’ont pas été pourvus

Les chiffres de 2024 confirment une tendance inquiétante : les concours de recrutement des enseignants peinent à attirer suffisamment de candidats. Selon les données fournies par le ministère de l’Éducation nationale, sur les 27 589 postes ouverts cette année (dont 23 696 dans le public et 3 893 dans le privé sous contrat), 3 185 sont restés vacants. Cette pénurie de professeurs est particulièrement marquée dans le secteur public, où 1 350 postes dans le premier degré (maternelle et élémentaire) et 1 575 dans le second degré (collèges et lycées) n’ont pas trouvé preneur.

Ces données sont encore plus préoccupantes dans certaines académies. Par exemple, si pour l’ensemble des régions, l’ensemble des postes ouverts au concours du premier degré (maternelle et élémentaire), quatre académies font exception avec de lourds déficits : dans l’académie de Créteil, 670 postes n’ont pas été pourvus et 692 postes dans l’académie de Versailles. En Guyane, 174 postes restent également à pourvoir. Ainsi, pour les concours du primaire, si le ratio des candidats éligibles par poste est de 1,46 en moyenne au niveau national, il y est très inférieur dans ces académies : 0,71 à Créteil, 0,60 à Versailles, 0,40 en Guyane… Et si le déficit pour le second degré est mieux partagé sur tout le territoire, l’Île-de-France fait partie des rectorats les plus à la peine.

Des difficultés persistantes selon les disciplines

La pénurie de professeurs n’affecte pas toutes les disciplines de la même manière. Les chiffres montrent que certaines matières et certaines filières, traditionnellement déficitaires, continuent de rencontrer de grandes difficultés à pourvoir les postes. Pour le Capes, le principal concours pour les enseignants du second degré, 86,4 % des postes ont été pourvus en 2024, contre 82,4 % en 2023. Si ce chiffre montre une légère amélioration, il reste encore loin de répondre à tous les besoins.

La ministre de l’Éducation nationale se félicite que certaines disciplines très problématiques en termes de recrutements montrent des signes encourageants. Certes l’évolution est positive, mais le taux d’admis au concours par rapport au nombre de postes ouverts reste encore bien insuffisant : les mathématiques ont vu 79,9 % des postes pourvus, contre 76 % l’année précédente. De même, les lettres classiques ont enregistré un taux de pourvoi de 63,3 %, contre seulement 30,6 % en 2023.

Cependant, la situation se dégrade significativement dans d’autres domaines. Ainsi, le concours du Capet 2024 (qui permet d’enseigner dans les lycées technologiques), a connu une véritable descente aux enfers : seuls 77 % des postes ont été pourvus, contre 86 % en 2023 !

La crise s’accentue, du fait d’un déficit qui se cumule d’année en année

Un déficit qui s’aggrave mécaniquement depuis des années

La pénurie de professeurs n’est pas un phénomène nouveau, mais elle s’est accentuée au fil des ans, avec des conséquences de plus en plus lourdes pour le système éducatif. Si les professeurs manquant au concours d’une année A ne sont pas compensés l’année suivante et si, au contraire, l’année A+1 connaît un nouveau déficit, c’est toute la base enseignante qui, progressivement, s’amenuise. Entre 2017 et 2021, plus de 5 500 postes sont restés non pourvus. En 2022, le nombre de postes non pourvus a drastiquement augmenté : plus de 4000, puis 4000 en 2023 et, pour finir provisoirement, 3185 en 2024 soit, si l’on additionne, plus de 17 000 postes vacants sur les huit dernières années !

Les solutions mises en place pour combler le déficit risquent de dégrader la qualité des enseignements

Face à cette situation, les rectorats doivent chaque année trouver des solutions pour combler le déficit de professeurs. La réponse principale repose sur le recrutement de contractuels. Dans l’enseignement public, leur nombre a augmenté de manière significative, atteignant aujourd’hui près de 49 000, soit environ 7 % des effectifs : plus de 10 000 nouveaux contractuels, la plupart sur des contrats d’un an éventuellement renouvelables, en seulement deux ans ! Cette solution, bien que nécessaire, pose toutefois des questions sur la qualité de l’enseignement, les contractuels n’ayant pas la même formation que les enseignants titulaires ni les mêmes motivations.

Les rectorats, notamment dans les académies les plus touchées comme Créteil et Versailles, ont également mis en place des contrats de deux ans, pour attirer et retenir les enseignants contractuels. Malgré ces efforts, la situation reste critique. D’ailleurs, la procédure consistant à combler le vide d’enseignants titulaires par des contractuels semble elle-même en difficulté : selon le rapport de performances du budget de l’enseignement scolaire 2023, alors qu’au début des années 2010 il fallait environ 15 jours pour trouver les solutions, c’est aujourd’hui près d’un mois qui est nécessaire à remédier aux vacances de postes. Soit, pour de nombreux élèves, un mois de septembre pendant lequel une matière, voire plusieurs, n’est pas ou ne sont pas enseignée(s).

La dévalorisation de la profession génère un manque d’appétence croissant

Une crise inédite qui touche tous les pays d’Europe

La pénurie de professeurs n’est pas un problème spécifique à la France : la crise de vocations toucherait même l’ensemble de l’Europe. C’est le constat qui ressort d’un rapport récent de la Commission européenne. Bien que n’existent pas d’indicateurs harmonisés, la Commission européenne s’est appuyée sur des appréciations sociétales et sur la perception de leur métier par les enseignants.

Sur l’ensemble des pays européens, seuls 17,7 % des enseignants estiment que leur profession est valorisée. Sur ce point, la France est presque lanterne rouge : seuls 6 % des professeurs sont de cet avis, juste devant la Slovaquie (4,5 %) et la Slovénie (5,6 %).

Les principales raisons avancées par les enseignants européens pour expliquer cette forte dévalorisation de leur métier reposent sur des éléments très concrets :

  • Des salaires peu attractifs,
  • Des conditions de travail dégradées,
  • Un regard peu amène porté par la société sur leur profession.

Autant d’éléments particulièrement aigus en France.

Les raisons du désamour en France : un statut déconsidéré

La pénurie de professeurs s’explique par une dévalorisation progressive et de plus en plus rapide de la profession. En effet, nos enseignants semblent cumuler les principaux facteurs de rejet.

Un salaire en berne. De nombreux pays européens ont entrepris depuis quelques années une politique salariale ambitieuse, en particulier à l’égard des enseignants débutants. Les jeunes professeurs ont ainsi vu leur salaire augmenter de 15 à 30 %, principalement dans les pays d’Europe du Nord, comme l’Allemagne ou la Suède. Pendant ce temps, l’augmentation du salaire des nouveaux professeurs français a été de… 1 à 3 %. Peut-être la dernière revalorisation intervenue en septembre 2023 aura-t-elle un effet enfin positif ?

Les champions du volume horaire de travail. Alors que la moyenne des pays d’Europe se situe autour de 740 heures de cours de travail annuel, les enseignants français, et en particulier les professeurs des écoles, abattent chaque année 900 heures de travail. Si les chiffres sont moins spectaculaires pour les premier et second degrés, en France, les professeurs travaillent tout de même 61 heures annuelles de plus que la moyenne de leurs homologues européens (720 heures VS 659).

Des classes surchargées. La détérioration des conditions de travail s’illustre par le nombre d’élèves en classe. Alors qu’en Europe, la moyenne est de 19 élèves en école élémentaire et de 21 dans le secondaire, en France les classes comptent 22 élèves à l’école et 26 dans les premier et second degrés.

Le regard de la société française n’est pas tendre non plus, en particulier pour les enseignants de collège et lycée. Les différents sondages sur les professions préférées de Français laissent bien apparaître les professeurs des écoles dans le top 10 (en 7e position) ou 50 (en 16e), mais il n’est jamais question des professeurs du secondaire.

Enfin, la précédente réforme de la formation des enseignants qui rendait obligatoire l’obtention d’un diplôme Bac+5 pour candidater aux concours de l’Éducation nationale a fait des ravages. Instaurée en 2022, elle est concomitante d’un doublement du nombre de postes vacants. La nouvelle réforme, censée déplacer le concours à Bac+3 reste pour le moment gelée, du fait d’une situation politique incertaine.

Il reste malheureusement très vraisemblable que, dans ces conditions, les prochaines rentrées doivent encore composer avec des manques criants d’enseignants dans les classes.

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