Le redoublement peut-il être utile pour les lycéens ?

Lycée

Alors qu’elle avait mauvaise presse depuis le début des années 2000, la notion de redoublement est revenue au-devant de l’actualité lors de l’annonce du « choc des savoirs » en septembre 2023. Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation, faisait en effet des annonces fracassantes dans l’espoir de redresser l’éducation nationale et la scolarité des Français. Il s’agissait de répondre à des résultats médiocres aux tests PISA des élèves français. Libérer le redoublement peut-il réellement changer la donne ? Et si oui, à quel niveau de l’enseignement ? Autant de questions qui méritent que l’on s’y arrête.

Le choc des savoirs veut faciliter le redoublement en classes élémentaires

L’annonce du « choc des savoirs » par le ministre se voulait marquer la détermination du gouvernement de sauver notre système éducatif par des mesures visant principalement les élèves et les enseignements : introduction du port de l’uniforme à l’école, mise en place de groupes de niveau en français et en mathématiques au collège, obligation d’obtenir le diplôme du brevet en fin de Troisième pour passer en Seconde. À ceci s’ajoutait une promesse : celle de faciliter les redoublements en laissant la main aux enseignants et non plus aux familles. Rappelons que jusqu’alors, ces dernières années, les redoublements étaient interdits en maternelle et soumis à la validation des parents en primaire.

L’objectif de Gabriel Attal en laissant le dernier mot aux enseignants, espérant ainsi favoriser les redoublements, était clair : améliorer la maîtrise des compétences de base chez les élèves. En effet, selon lui « un peu plus de la moitié des élèves ne lisent pas convenablement et, en mathématiques, plus de la moitié ne maîtrisent pas la résolution de problèmes et la géométrie ». Avec cette mesure, le Premier ministre souhaite assurer une meilleure évaluation des besoins des élèves et surtout renforcer les bases des élèves fragiles avant le passage dans le second degré. Cela permettrait d’éviter qu’ils ne cumulent les retards au fil des années scolaires.

Où en est le redoublement aujourd’hui ?

Au fil des années, les taux de redoublement ont considérablement diminué en France. Selon la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp), le taux de redoublement en 5e était de 0,5 % en 2022, contre 5 % en 2000.

De manière générale, les chiffres montrent une baisse drastique du redoublement à tous les niveaux de l’éducation. En 2005, 14,7 % des élèves de Seconde redoublaient, alors qu’en 2021, ce taux était tombé à 2,9 %. Pour les élèves de Première, le taux est passé de 7,8 % en 2005 à 2,3 % en 2021, et pour les Terminales, de 11,8 % à 1,7 % sur la même période. En primaire enfin, environ 8 à 10 % des élèves redoublaient en 2000, contre moins de 2 % en 2022.

Cette tendance à la baisse du redoublement reflétait une volonté constante depuis le début des années 2000 de réduire les échecs scolaires et le décrochage, et d’encourager une meilleure fluidité des parcours scolaires. Selon une majorité d’experts, le recul du redoublement au lycée et à d’autres niveaux aurait permis une amélioration globale des performances scolaires, une proportion plus élevée d’élèves obtenant leur diplôme dans les temps.

Pourquoi le redoublement a-t-il mauvaise presse ?

Les études de chercheurs en pédagogie se sont succédé depuis une trentaine d’années et une grande majorité d’entre elles vont dans le même sens : le redoublement peut clairement avoir des effets négatifs sur les élèves, alors même que ses effets positifs n’ont pas été démontrés. Selon une enquête de l’OCDE de 2015, le redoublement n’apporte pas de bénéfices évidents, ni pour les élèves redoublants ni pour le système éducatif dans son ensemble. En effet :

  • Le redoublement représente une solution coûteuse pour le système éducatif,
  • Il semble assez inefficace, la capacité d’un élève redoublant à présenter de bien meilleurs résultats à l’issue de l’année redoublée étant très faible,
  • Il augmente fortement les risques de décrochage scolaire : les redoublants se retrouvent souvent à revoir les mêmes notions, ce qui peut rendre l’année suivante encore plus difficile.
  • Il retarde l’entrée des élèves dans la vie active.

Pierre Merle, sociologue spécialisé dans les questions d’éducation, souligne par exemple que le redoublement peut stigmatiser les élèves, affectant leur estime de soi et leur motivation. Les redoublants peuvent se sentir rabaissés et isolés, ce qui peut nuire à leurs capacités à réussir. Une étude du Centre national d’étude des systèmes scolaires (Cnesco) confirme par ailleurs que le redoublement n’a pas d’effet positif sur les performances scolaires à long terme et demeure bien un facteur déterminant du décrochage scolaire.

C’est pour éviter de tels effets néfastes qu’une loi d’orientation a été votée en 2013. Elle stipulait que le redoublement devait être une exception. Elle fut suivie d’un décret de 2014 interdisant le redoublement en maternelle et encourageant une utilisation prudente en élémentaire et au collège. L’idée étant que le redoublement ne doit être envisagé que pour pallier des périodes importantes de rupture des apprentissages scolaires, comme lors de la survenue d’un événement personnel difficile.

On peut constater que la décroissance spectaculaire du nombre de redoublements en vingt ans a coïncidé avec une meilleure fluidité des parcours scolaires, sans affecter la réussite des élèves. Entre 2006 et 2013, la proportion d’élèves obtenant le Baccalauréat dans les temps est passée de 67 % à 77,4 %. Certes, les niveaux d’exigence et les programmes ont sans doute été modifiés, mais cela n’explique pas tout. En effet, les pays en tête du classement Pisa, comme l’Estonie et le Japon, se caractérisent justement par un faible taux de redoublement,

Par ailleurs, le redoublement révèle principalement des différences sociales importantes. Selon l’OCDE, les élèves issus de milieux socio-économiques défavorisés sont plus susceptibles de redoubler, car ils n’ont pas accès aux mêmes possibilités de soutien précoce et efficace que les élèves favorisés. Ces élèves et leurs familles acceptent également plus facilement les décisions des professeurs en matière de redoublement.

Il existe d’autres méthodes plus efficaces pour venir en aide aux élèves fragiles

On peut penser par ailleurs que le redoublement n’est pas le mal absolu et que, conçu différemment, il pourrait être une aide précieuse. Que faudrait-il ? Que l’élève en situation d’échec à la fin d’un niveau puisse revoir les notions non acquises dans des conditions aménagées :

  • Avec un véritable soutien individuel et personnalisé,
  • Sans avoir l’impression de refaire une nouvelle année à l’identique, sans apport supplémentaire.

Mais pour cela, il faudrait de gros moyens que l’Éducation ne possède malheureusement pas.

Toutefois, selon certaines études françaises, il peut exister des cas dans lesquels le redoublement peut être bénéfique. À certains niveaux charnières, comme en troisième et en seconde, le redoublement peut permettre à l’élève de choisir son orientation avec plus de sérénité. Redoubler, c’est alors gagner du temps avant d’être dirigé sur une voie peu désirable, et éviter qu’un élève soit orienté vers une filière qu’il ne souhaite pas suivre. Une année de plus, en pleine adolescence, avec la forte motivation des élèves à obtenir le choix de leur orientation peut rendre le redoublement utile et efficace. Ce sont cependant des cas relativement rares, qui ne peuvent à eux seuls légitimer cette pratique pour tous les niveaux scolaires.

Alors, comment entraîner les élèves fragiles dans une dynamique les incitant à poursuivre leur scolarité en comblant progressivement leurs lacunes ? Le dernier rapport Pisa souligne que le redoublement est peu répandu dans les pays où les élèves déclarent recevoir un soutien important de la part de leurs enseignants et entretenir de bonnes relations avec eux. La proximité de l’élève avec son professeur est un facteur clé, mal exploité en France, du fait de classes surchargées et d’enseignants trop peu nombreux.

Par ailleurs, nous pourrions aussi nous inspirer de pays qui ont limité le redoublement en développant des alternatives manifestement plus efficaces :

  • le rattrapage en fin d’année, par exemple au cours de sessions d’une semaine focalisée sur les matières lacunaires,
  • le tutorat, affectant aux élèves fragiles un tuteur pouvant les suivre au long des cours, et les aider ponctuellement à surmonter leurs difficultés,
  • le « looping », cette méthode scandinave dans laquelle un même enseignant suit une même classe pendant plusieurs années : l’enseignant connaissant bien chaque enfant individuellement au cours de son cursus peut cibler ses difficultés et ses besoins ; de plus, cela crée un lien affectif entre enseignant et élève.

Ainsi, si l’annonce d’un redoublement facilité en école élémentaire ne semble pas en mesure de permettre aux élèves en difficulté de rattraper leur retard, il apparaît clairement que le redoublement n’est pas une meilleure solution au lycée. Des moyens supplémentaires ainsi qu’une organisation sans doute différente de la répartition et des méthodes de travail des enseignants pourraient par contre aboutir à des solutions plus innovantes et, vraisemblablement plus efficaces.

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