Les vacances scolaires sont-elles néfastes aux apprentissages ?

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Le débat autour de l’impact des vacances scolaires sur les apprentissages est un sujet récurrent dans le monde de l’éducation. Les périodes de repos, en particulier les vacances d’été, sont-elles bénéfiques ou néfastes pour la consolidation des connaissances et des compétences des élèves ? Des réformes viennent de temps en temps ôter ou ajouter des jours de congés, sans que leurs effets soient clairement identifiés. Cette question est cependant revenue sur le devant de l’actualité depuis que le Président de la République s’en est saisi en juin 2023.

Les arguments du Président de la République pour diminuer les vacances d’été

Les vacances sont-elles défavorables aux apprentissages ? La crainte souvent exprimée est que les élèves, loin de l’école pendant plusieurs semaines, voire deux mois en été, tendent à oublier une partie des savoirs acquis durant l’année. Cette période serait également propice à une accentuation des inégalités scolaires. C’est sur ces arguments qu’Emmanuel Macron a lancé l’idée d’un raccourcissement des vacances d’été.

Des vacances pendant lesquelles les élèves oublient leurs savoirs ?

La perte des acquis scolaires pendant les vacances d’été est un phénomène qui a été documenté dès le début du 20e siècle. Il est connu sous le nom d’« oubli estival ». Des études réalisées dans les années 1990 sur des étudiants — et non des élèves — ont montré que ceux-ci perdaient l’équivalent d’un mois d’apprentissage. Le Président de la République, conscient de cet enjeu, a plaidé pour une réduction des vacances d’été : « l’inégalité revient quand on a des vacances de trois mois — ce qui n’est pas le cas en France —. On détruit en quelque sorte l’apprentissage collectif », a-t-il déclaré. Emmanuel Macron rapproche ce « trop-plein de vacances » aux horaires de travail des élèves, parmi les plus élevés en Europe : « on bourre les semaines de nos enfants. C’est parce qu’ils partent trop tôt et ont des vacances qui se sont allongées ces vingt dernières années, que vous avez ces mêmes enfants, quand vous les comparez avec nos voisins, qui arrivent crevés tous les soirs ». Autrement dit : c’est parce qu’il y a trop de semaines de vacances que les élèves sont obligés de travailler trop pendant le reste de l’année. Ce serait donc tout ce système qu’il faudrait revoir.

Les préconisations du Président de la République : un tour de passe-passe ?

Le Président a présenté une première piste, une rentrée anticipée aux alentours du 20 août. Mais ce dispositif ne concernerait que les « élèves en difficulté » afin de leur offrir une chance de rattrapage avant le début de la nouvelle année scolaire. Depuis cette annonce, aucune précision n’a jusqu’à présent été apportée. Tout juste, le ministère de l’Éducation a-t-il avancé que « cela concernera uniquement les élèves des quartiers les plus en difficulté ».

Or il existe déjà un système qui s’en rapproche. Dès 1991, Lionel Jospin, alors ministre de l’Éducation, avait créé ce qui s’appelait à l’époque l’école ouverte. Les enfants volontaires venaient à l’école pendant les vacances scolaires, pour renforcer leurs compétences. Ces « vacances apprenantes » comme leur terminologie actuelle les baptise, mêlant les matières scolaires avec des activités sportives et culturelles, accueillent des dizaines de milliers d’enfants chaque année (150 000 en 2022), dans des zones rurales et défavorisées. S’agira-t-il d’étendre ce principe à un nombre plus élevé d’établissements ? De le transformer simplement en passant du volontariat à l’obligation pour les élèves évalués comme en difficulté ? Pour l’instant, ce projet ne semble pas bien défini.

La réalité des vacances scolaires en France par rapport aux autres pays

La France se distingue en Europe par le nombre de jours de vacances scolaires accordés à ses élèves. Avec 16 semaines de congé pour l’année scolaire 2022-2023, elle se positionne au septième rang des pays européens, derrière la Grèce ou la Suède par exemple. À l’inverse, Espagne, Royaume-Uni, Suisse ou Pays-Bas ne laissent que de 11 à 14 semaines de congés à leurs élèves.

La « générosité » française repose spécifiquement sur des césures régulières et relativement longues tout au long de l’année scolaire. Entre septembre et juin, les élèves bénéficient de quatre périodes de congés de deux semaines, organisation négociée avec les responsables de l’industrie touristique nationale. Il semble que nous soyons le seul pays à offrir autant de pauses aussi longues en cours d’année.

Contrairement aux déclarations du Président de la République, pour ce qui concerne les vacances d’été, la France se situe dans la moyenne des pays européens. Avec 54 jours de vacances en juillet et août, elle se retrouve cette fois derrière des pays du Sud de l’Europe comme l’Italie et l’Espagne, mais aussi derrière la Belgique ou encore la Suède.

Les vacances scolaires sont-elles vraiment néfastes aux apprentissages ?

L’effet de longues vacances scolaires sur les connaissances des élèves s’avère en réalité plus complexe qu’il n’y paraît et les solutions à mettre en œuvre pour pallier leur effet sur les élèves les plus vulnérables ne sont peut-être pas si faciles à trouver.

La césure des vacances semble avoir une incidence limitée sur les savoirs

De nombreux travaux portant sur l’effet vacances existent, avec des conclusions souvent proches. Ainsi en France, une étude de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, publiée en avril 2023, indique qu’à l’école élémentaire, le niveau des élèves en mathématiques et en français reste pratiquement stable entre juin et septembre. Cependant, l’écart entre les élèves de réseaux d’éducation prioritaire et les autres tend à s’accroître à l’issue des vacances. Il y aurait donc bien un effet sur les élèves les plus « vulnérables ».

Des spécialistes de la pédagogie, comme Philippe Meirieu, estiment que les conséquences d’une grande césure entre deux périodes scolaires dépendent de l’usage qui en est fait. « Cette période est cruciale, car elle permet aux enfants de se reposer après une année scolaire intense, mais elle permet aussi de réinvestir les apprentissages. Faire une recette de cuisine permet par exemple de réviser la proportionnalité, mais aussi de consolider la lecture par exemple ».

Profiter de ces longues vacances pour consolider ses connaissances par des activités non scolaires serait donc le sésame pour retrouver les classes sans déperdition excessive de savoirs. Aux États-Unis, où les études sur ce phénomène sont plus nombreuses, les résultats montrent en effet que des programmes de formation estivale peuvent effectivement renforcer les compétences en mathématiques.

Tous les élèves ne bénéficient pas de vacances stimulantes

Écoutons encore Philippe Meirieu : « Il faut se servir de ces deux mois pour entretenir la curiosité et le désir d’apprendre. Il faut lire, il faut discuter, il faut bricoler…, faire des tas de choses qui permettent d’avoir une activité intellectuelle et cognitive ». Or, la qualité des vacances est fortement inégalitaire selon les enfants et leurs origines sociales. Entre ceux qui partent en famille, découvrent de nouvelles activités, s’ouvrent à d’autres cultures et ceux qui passent leur temps devant les écrans sans partir en vacances, l’écart est important. Et selon toutes les études portant sur le sujet, c’est bien cette seconde catégorie d’élèves qui ne bénéficient pas de « vacances stimulantes » qui paraît perdre le plus de ses acquis pendant les grandes vacances.

Raccourcir les vacances pour les élèves en difficulté est-il réellement la bonne solution ?

Si l’intention paraît bonne, la mise en place d’une rentrée anticipée obligatoire pour des élèves jugés « en difficulté » reste problématique. Certes, permettre de revoir des notions abordées en fin d’année précédente peut donner la possibilité de reprendre une nouvelle année scolaire sur de meilleures bases et de ne pas perdre de temps face à de nouveaux apprentissages.

C’est ce que tente de réaliser un programme financé par des ONG en Italie : Arcipelago Educativo. Un millier d’enfants aux connaissances « fragiles » recrutés dans toute la péninsule suivent pendant les vacances estivales une centaine d’heures de cours dans des classes de 15 élèves maximum. La première évaluation donne de bons résultats, un niveau de compétence plus élevé, en particulier en mathématiques, lors de la rentrée scolaire. Toutefois, ce programme intensif semble avoir un effet secondaire inquiétant, une insatisfaction accrue de ces élèves devant les activités scolaires en général et une diminution de l’appétence à étudier.

Par ailleurs, de nombreux professeurs et spécialistes de l’éducation craignent qu’en rendant obligatoire cette rentrée anticipée, cela stigmatise une population qui se vit déjà comme en marge de la société. « Cela revient à dire à des élèves : tu ne réussis pas, donc tu auras moins de vacances . Le risque étant d’une contre-performance puisque loin de réduire des inégalités, un tel procédé pourrait les creuser, marquant encore plus visiblement l’existence d’élèves de second rang » avance Jérôme Fournier, secrétaire national du syndicat SE-Unsa.

Le problème n’est-il pas ailleurs ?

Avant de considérer la réduction des vacances d’été comme une solution, n’est-il pas indispensable de s’attaquer aux lacunes du système éducatif, toutes sous-tendues par un manque de moyen :

  • La fin prématurée de l’année scolaire début juin prive une majorité d’élèves de 2 à 4 semaines de cours, tronquant ainsi des programmes déjà assez denses.
  • Les inégalités dans l’accès à des activités enrichissantes pendant l’été : de nombreux enseignants déplorent la faiblesse actuelle du tourisme social et solidaire. Plaidant pour un droit aux vacances, ils estiment nécessaires des aides nettement plus consistantes pour rendre les vacances accessibles à tous ;
  • Le manque d’enseignants et leurs conditions de travail difficiles qui pénalisent les apprentissages…

… Autant de questions qui devraient être prioritaires. Des vacances scolaires repensées non pas en matière de durée, mais en termes de qualité et d’équité d’accès à des opportunités d’apprentissage et de développement personnel ne seraient-elles pas la meilleure des solutions ?

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