Les groupes de niveau au collège vont-ils bénéficier aux bons élèves des quartiers populaires ?

Lycée
  • Accueil
  • Lycée
  • Actualités
  • Les groupes de niveau au collège vont-ils bénéficier aux bons élèves des quartiers populaires ?

L’instauration des groupes de niveau au collège, décidée au dernier trimestre 2023, doit entrer en application dès le mois de septembre 2024. Elle a suscité de nombreux débats parmi les acteurs de l’éducation, avec une tonalité souvent critique. Présentée comme une arme pour améliorer les performances académiques des élèves, la réforme soulève des questions à propos de ses effets sur le système éducatif. Sera-t-elle un moteur d’inégalités sociales ? Ou, comme l’imagine un enseignant dans une chronique sur le journal Le Point, une vraie chance pour les bons élèves de quartiers populaires ?

Les groupes de niveau, une réforme ambitieuse, mais à faibles moyens

La réforme des groupes de niveau a été initiée par l’Éducation nationale en réponse aux mauvais résultats obtenus par la France aux évaluations PISA de 2023. Le recul significatif dans la compréhension de l’écrit et sur les mathématiques a placé une nouvelle fois la France au 23e rang sur 38 pays de l’OCDE. Pour faire face à ce score médiocre, l’idée d’instaurer des groupes de niveau, déjà mise en application voici une cinquantaine d’années puis, sporadiquement, dans certains cas, a semblé intéressante.

La réforme initiale prévoit l’organisation de groupes de niveaux flexibles en mathématiques et en français tout au long du collège : environ un tiers des heures de cours seront dispensées en groupes de niveaux, constitués sur les besoins identifiés par les professeurs. Le reste des cours auront lieu en formation de classe complète. C’est d’ailleurs sur le principe de classes hétérogènes que notre système éducatif repose. Il est prévu de constituer des groupes de 15 élèves dont les savoirs doivent être renforcés au maximum. Le groupe des élèves sans difficulté pourra atteindre la taille d’une classe normale, soit 30 élèves en moyenne.

La mise en place des groupes de niveau suscite des préoccupations quant à la suffisance des moyens alloués. Sur les 2300 équivalents temps plein (ETP) annoncés, 1500 proviennent de la suppression d’une heure justement consacrée au renforcement qui sera de facto supprimée. Avec ces moyens, seuls 20 % des collèges au mieux bénéficieront de ressources supplémentaires. Il est donc très vraisemblable que cette réforme s’applique essentiellement aux collèges de zones d’éducation prioritaire.

Certains enseignants estiment que le groupe de niveau est une chance pour les bons élèves de quartiers populaires

S’ils sont rares, certains enseignants ont mis en avant un effet potentiellement positif de la réforme. Il permettrait d’aider, voire de « sauver », les bons élèves issus des quartiers populaires, un euphémisme pour ne pas parler de quartiers défavorisés. Cela les positionnerait sur une bonne trajectoire. Ces voix ne manquent pas d’arguments.

1 – Un environnement d’apprentissage plus stimulant.

Les groupes de niveau offriraient aux bons élèves des quartiers populaires un environnement dans lequel les attentes scolaires sont élevées. Ils seraient ainsi encouragés à se surpasser, stimulés et portés par le groupe. La dynamique du groupe les incitera à atteindre de meilleurs résultats.

2 – Une réduction des nuisances et des gênes en classe

Les groupes de niveau créent des classes plus homogènes en termes de compétences académiques. En général, les élèves les plus perturbateurs sont également ceux qui ont les moins bons résultats scolaires. On peut ainsi s’attendre à des ambiances plus propices aux apprentissages dans les groupes qui maîtrisent leur matière.

3 – Un renforcement de la confiance en soi

Être placé dans un groupe de bon niveau contribue à renforcer la confiance en soi. Se voir reconnaître pour ses capacités et être entouré de pairs performants peut encourager les bons élèves de milieux défavorisés à se sentir reconnus et à se permettre d’avoir de l’ambition pour leur avenir.

Pourquoi cette position est-elle cependant discutable ?

L’avalanche de critiques à l’énoncé de la réforme n’était sans doute pas uniquement une réaction conservatrice d’enseignants déjà usés par une succession continue de réformes. En effet, des études publiées dans des revues scientifiques ainsi que de nombreuses expérimentations sur le terrain ont mis en avant de nombreux défauts des groupes de niveau.

  • Les groupes de niveau ont un impact négatif sur la motivation des élèves moins performants. Le fait d’être étiqueté en difficulté sur une matière peut les décourager et diminuer leur intérêt pour les études. Avec à la clé un désengagement scolaire, une augmentation de l’absentéisme et un taux de décrochage scolaire plus élevé.
  • Le risque de stigmatisation est bien réel. Les élèves inclus dans le groupe des collégiens en difficulté risquent d’être encore plus perçus comme moins doués. Milieu social défavorisé + groupe des « faibles » peut signer leur classement irrémédiable sous une étiquette humiliante.
  • Un enseignement moins convaincant dans les groupes en difficulté. De nombreuses études ont démontré un mécanisme vicieux. Dites à une classe qu’elle est pleine de talents, douée et travailleuse, vous tirerez de bons résultats de vos élèves. Dites à la même classe qu’elle n’est pas bonne, les effets négatifs suivront. De façon inconsciente, les enseignants mettent moins d’ambition à enseigner devant des élèves prétendus « en difficulté ». Ce qui, loin de les tirer vers le haut, risque plutôt de réduire encore un peu plus leurs chances de suivre un parcours scolaire satisfaisant.
  • Moins de diversité et d’enrichissement mutuel. Si les enseignants et les experts en pédagogie tiennent tellement à des classes hétérogènes, c’est qu’il existe, selon eux, une alchimie payante. Les élèves plus avancés peuvent aider leurs camarades, et tirer l’ensemble de la classe vers de meilleures performances. Se priver de cet atout pour deux matières essentielles leur paraît ainsi très dommageable.
  • L’ensemble de ces observations conduit les enseignants à soutenir que les groupes de niveau vont renforcer les inégalités scolaires. Cela peut créer un fossé encore plus grand entre les élèves performants et ceux en difficulté, rendant plus difficile pour ces derniers de rattraper leur retard. Et renforçant leur statut de défavorisés.

Si les groupes de niveau « sauvent » les bons élèves des quartiers populaires, qu’en est-il des moins bons ?

Les groupes de niveau, selon la majorité des chercheurs, sont plutôt efficaces pour aider les bons élèves à améliorer encore leurs résultats, mais inutiles et même nuisibles pour les collégiens aux savoirs plus fragiles. Faudrait-il quand même les mettre en place pour les bons élèves ? L’idée que cette réforme pourrait « sauver » les bons élèves des quartiers populaires interroge par ce qu’elle ne dit pas.

Cette idée sous-entend que ces élèves ont besoin de secours en raison de leur environnement. Cela peut être perçu comme une forme de condescendance, renforçant l’idée que les élèves de ces quartiers sont dans une situation inférieure. Cette perception est stigmatisante et renforce les stéréotypes négatifs associés aux quartiers populaires. Et si l’on « sauve » les « bons », alors qu’advient-il des autres ? Clairement, on les laisse à leur « funeste » destin…

L’idée de « sauver » les bons élèves par des groupes de niveau ignore également les causes profondes des inégalités scolaires : le manque de ressources, un soutien insuffisant et des contextes socio-économiques défavorables. Les groupes de niveau ne résolvent pas ces problèmes systémiques et risquent au contraire de les exacerber.

Une solution individualiste à l’encontre des fondements du système scolaire. Les experts s’accordent sur le fait que les « bons » et « moyens » élèves ne rencontrent pas de réelles difficultés. L’école, le collège et le lycée ont pour mission d’amener les classes d’élèves à la maîtrise d’un socle de connaissances commun. Tous ensemble. Le principe de classes hétérogènes a longtemps fait ses preuves.

Ce sont le manque de moyens, les classes surchargées et une médiocre mixité sociale dans les établissements qui dévalorisent aujourd’hui l’éducation nationale. Au lieu de sauver des élèves qui n’ont pas besoin de l’être, c’est sans doute notre système scolaire qu’il faudrait commencer à « sauver ».

Au Cours Thalès nous regroupons les élèves en petits groupes lors de nos stages en lycée afin d’accorder un maximum de temps à chacun et d’approfondir toutes les notions.

Actualités Lycée

Lycée

La pénurie de professeurs plane sur la rentrée scolaire 2024-2025

La rentrée scolaire 2024-2025 a-t-elle vu un enseignant devant chaque classe ? Sans vouloir divulgâcher ce beau suspens, voici un indicateur parlant : cette année, nul […]

Lycée

Le redoublement peut-il être utile pour les lycéens ?

Alors qu’elle avait mauvaise presse depuis le début des années 2000, la notion de redoublement est revenue au-devant de l’actualité lors de l’annonce du « choc […]

Lycée

À quoi servent les annotations des enseignants sur les copies des élèves ?

Cela fait partie des éléments qui ont peu changé depuis les débuts de l’école publique. Les annotations des enseignants sur les copies des élèves restent […]

Identifiez-vous

 


Mot de passe oublié

Mot de passe oublié ?