La pénurie de professeurs plane sur la rentrée scolaire 2024-2025
La rentrée scolaire 2024-2025 a-t-elle vu un enseignant devant chaque classe ? Sans vouloir divulgâcher ce beau suspens, voici un indicateur parlant : cette année, nul […]
Depuis la fondation de l’école publique moderne par Napoléon au début du 19e siècle, dans l’esprit de la Révolution française, la manière dont sont formés et recrutés les professeurs de lycée a bien évolué. Toutefois, ce qui globalement est resté identique, c’est l’idée d’un corps enseignant unique, formé par l’université et accédant à la profession par le jeu de concours publics. À la veille d’une nouvelle réforme de leur formation, il nous a semblé utile de prendre un recul historique.
La voie principale pour devenir professeur de lycée aujourd’hui comme hier est de passer par l’un des deux concours donnant accès aux postes d’enseignants dans le secondaire.
Le recrutement des professeurs de collège et lycée passe principalement par deux concours : le CAPES (Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement du Second Degré) et l’agrégation. Le CAPES est le concours qui permet d’enseigner au collège ou au lycée. L’agrégation, créée sous Napoléon, est un concours plus exigeant. Avec l’agrégation, on peut enseigner non seulement au lycée, mais également dans les classes préparatoires aux grandes écoles et dans les universités. Selon que l’on est capésien ou agrégé, les conditions de rémunération et de volumes horaires de travail diffèrent de façon non négligeable.
La vocation de professeur doit être bien ancrée pour affronter aujourd’hui la perspective d’études longues et susceptibles de n’être pas couronnées de succès. En effet, la plupart des aspirants professeurs commencent leurs études post-Bac sur les bancs de l’université et visent l’obtention d’un Master 2 Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation. Le diplôme permet d’acquérir des compétences en matière de citoyenneté, de sensibilisation à l’environnement et au développement durable, des valeurs de la République, de gestes professionnels et de connaissances sur le parcours des élèves. Un mémoire est également demandé aux étudiants, ainsi que des apprentissages numériques. Certains étudiants se présentent aux concours avec un autre Master 2 que celui consacré à l’enseignement. S’ils réussissent le concours, ils peuvent embrasser la carrière de professeur, mais ils n’auront pas les connaissances spécifiques de leurs collègues passés par le master spécialisé.
Petite difficulté supplémentaire : les candidats à l’enseignement souhaitant enseigner dans le public doivent à la fois obtenir leur Master 2 et réussir leur concours.
Une fois leur concours obtenu, les futurs professeurs de lycée suivent une formation d’un an en alternance, qui combine cours théoriques et stages pratiques. Cette formation est dispensée par les Inspé (Instituts Nationaux Supérieurs du Professorat et de l’Éducation) en partenariat avec les universités. Les enseignants stagiaires apprennent à gérer une classe, à élaborer des séquences pédagogiques et à évaluer les élèves.
La longueur des études a pour but de donner aux élèves des enseignants bien formés, aux capacités tant intellectuelles que pratiques de haut niveau. Cela vise entre autres à revaloriser l’image des enseignants. Cependant, un certain nombre d’acteurs, en particulier parmi les syndicats enseignants, estiment qu’il s’agit d’une formation trop longue, à même de décourager les candidats. Ce n’est sans doute pas la raison principale d’une désaffection du métier, mais cela y participe peut-être. Toujours est-il que le ministre de l’Éducation nationale et le Président de la République ont estimé qu’une réforme s’imposait, pour rendre plus accessible cette profession.
La réforme de la formation des professeurs de lycée, prévue vraisemblablement pour 2025, déplacerait les concours de recrutement à la troisième année de licence. Il faudrait donc seulement trois ans après le Bac pour devenir professeur de lycée. Cela ne retirerait rien au cursus, puisque les étudiants reçus aux concours poursuivraient leurs études en master. C’est pendant les deux ans des Masters 1 et 2 qu’ils acquerront aussi une formation pratique : un jour et demi de stage d’observation et de pratique par semaine en Master 1 et 2,5 jours par semaine en M2. De plus, considérés alors comme fonctionnaires stagiaires, ils seront payés.
Aussitôt annoncée, la réforme a reçu un accueil mitigé, certains syndicats regrettant une spécialisation trop précoce alors que d’autres saluaient la nouveauté. Et depuis, le calendrier de mise en œuvre n’a pas encore été finalisé. Il est vrai que la refonte des programmes universitaires en la matière ne peut s’effectuer si rapidement.
Le système éducatif français avec son corps d’enseignants formés et diplômés par l’État tel que nous le connaissons aujourd’hui trouve ses racines sous le règne de Napoléon Bonaparte. En 1802, l’empereur crée les lycées pour former les élites administratives et militaires de la nation. Ces lycées formeront en particulier les nouveaux professeurs de ces lycées, qui deviendront des fonctionnaires. C’est également à cette époque que l’agrégation voit le jour, en 1810, pour sélectionner les meilleurs professeurs.
Avec l’avènement de la Troisième République, l’enseignement public subit des réformes majeures. En 1880, les lois Ferry instaurent l’école gratuite, laïque et obligatoire. Cette période marque un tournant pour le recrutement des professeurs de lycée, avec l’introduction de nouveaux concours et une structuration plus rigoureuse de la formation des enseignants. En 1887, le certificat d’aptitude au professorat des écoles normales (CAPEN) est créé, pour former institutrices et instituteurs. Dans le secondaire, une bonne partie des enseignants de l’enseignement du premier cycle sont recrutés au niveau de la licence puis recrutés et titularisés après quelques années d’enseignement. Mais l’obtention de l’agrégation est la règle pour le corps d’élite des professeurs de lycée.
Après la Seconde Guerre mondiale, la France connaît une période de reconstruction et de modernisation. Sous la quatrième République, en 1950, le CAPES (Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement du Second Degré) est officiellement institué pour recruter des professeurs de collège. En effet l’augmentation très rapide des élèves de CEG (collège d’enseignement général) impose de recruter rapidement de nouveaux professeurs. Le concours comporte des épreuves écrites et orales sur les connaissances dans la matière enseignée, ainsi qu’une année de stage pratique pour son obtention. Il semble toutefois que la formation pour l’obtenir n’était à cette époque pas très exigeante.
Au début des années 1960 se pose la question d’une réforme des modes de recrutements. En effet, l’écart est de plus en plus visible entre une formation des instituteurs bien organisée dans les écoles normales, de façon professionnelle et avec des objectifs clairs, et une formation des professeurs du secondaire plus légère. De nombreux débats ont lieu pendant ces années, qui vont aboutir à plusieurs changements. Est en effet créé un corps de professeurs de CEG distinct de celui des instituteurs, alors qu’auparavant, il existait une unité de ces statuts.
En 1989 sont créés les Instituts Universitaires de formation des maîtres, qui viennent remplacer les Écoles normales. Ils se voient confier la formation initiale de tous les enseignants, du primaire et du second degré. C’est le début d’une impressionnante montée des exigences concernant le niveau de formation des enseignants. Les instituteurs deviennent professeurs des écoles, et tous les enseignants sont recrutés après la licence.
En 2005, les IUFM deviennent des écoles faisant partie d’une université. S’ensuit la réforme de 2008. Les nouveaux enseignants sont désormais recrutés au niveau master. Ainsi, il faut attendre d’être en Master pour passer les concours d’accès au métier d’enseignant, Master 1 pour les professeurs des écoles, Master 2 pour les professeurs en collège et lycées.
En 2013, les IUFM sont remplacés par les ESPE (Écoles Supérieures du Professorat et de l’Éducation), qui deviendront ensuite les Inspé (Instituts Nationaux Supérieurs du Professorat et de l’Éducation) en 2019. Ces institutions collaborent avec les universités pour offrir une formation plus intégrée et adaptée aux besoins actuels du système éducatif.
Enfin, en 2019, la « loi pour l’école de la confiance » suivie d’un arrêté en 2020 reporte le concours de recrutement de professeurs des écoles à la seconde année de master. Ainsi tous les futurs enseignants se retrouvent à passer le concours d’accès à la carrière d’enseignant cinq ans après le Bac. La loi met également en place un nouveau référentiel de formation au sein des Inspé, qui stipule que 55 % du temps de formation doit être consacré aux savoirs fondamentaux. C’est le système actuel.
On s’en doute, la question de la formation et du recrutement des enseignants a été très dépendante de deux facteurs :
Les professeurs d’aujourd’hui sont-ils mieux formés que par le passé ? Les cinq ans de formations exigés pour pouvoir passer les concours de professeurs de lycée ont-ils permis une montée en compétence des nouveaux enseignants ? Et cela était-il nécessaire ? Autant de questions auxquelles il semble impossible de répondre. Tous les paramètres ne cessent d’évoluer, du nombre d’élèves aux moyens accordés aux établissements, en passant par les changements de programme scolaires et par les réformes structurelles qui se succèdent. Et malheureusement, cette situation mouvante risque bien de se perpétuer.