Écoles de commerce et réalité virtuelle : une nouvelle mode ?

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L’INSEAD a annoncé récemment le lancement d’une bibliothèque d’expériences d’apprentissage par la réalité virtuelle. L’information a été reprise dans de nombreux journaux. Il est vrai que les innovations technologiques et leur application au monde réel font souvent la une des médias. Que penser d’une telle initiative ? Est-elle révolutionnaire ? Que va-t-elle apporter aux étudiants et, plus généralement, à l’enseignement ?

L’INSEAD lance une bibliothèque d’expériences d’apprentissage en réalité virtuelle

L’Institut européen d’administration des affaires ou INSEAD est une école de management reconnue comme l’une des meilleures du monde. Son programme MBA est régulièrement classé dans les trois premiers au niveau mondial par les journaux d’affaires comme le Financial Times. Ses trois implantations, à Fontainebleau, Singapour et Abou Dabi, attirent des étudiants de toutes nationalités.

L’école qui se définit comme « The Business School for the World » se distingue cette fois-ci en adoptant la réalité virtuelle pour enrichir ses apprentissages. La plateforme INSEAD XR, un projet pionnier lancé voici quelques années, est la première à offrir une bibliothèque complète d’expériences d’apprentissage en VR. Avec plus de 40 professeurs impliqués et plus de 13 000 étudiants ayant déjà expérimenté ces outils immersifs, l’INSEAD souhaite mettre en avant sa capacité de bousculer l’enseignement en management.

La nouveauté de ce projet est qu’il propose déjà 20 expériences d’apprentissage qui couvrent plusieurs sujets de gestion. Ce programme mené sous l’impulsion et l’autorité d’un professeur de stratégie de l’INSEAD, Ithai Stern, a valu à l’école et au professeur de recevoir le prix de l’« impact éducatif de la Strategic Management Society ». L’autre apport, peut-être le plus important, de ce projet est la volonté de l’INSEAD de constituer une assemblée mondiale de professeurs d’écoles de commerce participant à la création et à l’intégration de contenus de réalité virtuelle dans l’éducation à la gestion.

Ces contenus pédagogiques d’un nouveau genre ne seront pas réservés à l’INSEAD, mais bien à l’ensemble des partenaires académiques et commerciaux qui s’y intéressent. Au-delà du nombre relativement important de contenus et de l’ambition de fédérer le corps enseignant en gestion du monde entier, ce projet est-il réellement innovant ?

Voici près de dix ans que l’enseignement supérieur se prépare à la réalité virtuelle

L’intégration de la réalité virtuelle dans les grandes écoles et en écoles de commerce n’est pas un phénomène nouveau. Depuis près d’une décennie, certaines de ces institutions ont commencé à explorer et à adopter cette technologie pour améliorer l’expérience d’apprentissage des étudiants.

Côté écoles d’ingénieurs, dès 2014 l’Institut Mines Télécom, par exemple, a été parmi les précurseurs en France, en intégrant la réalité virtuelle pour simuler des environnements industriels complexes. L’idée était déjà de permettre aux étudiants d’acquérir des compétences pratiques dans un cadre contrôlé et immersif. La démarche s’est faite en plusieurs étapes. Dans un premier temps, l’utilisation de casques Oculus, simples d’utilisation, pour permettre aux étudiants de progresser dans les soft skills, à savoir des questions de qualités humaines, émotionnelles, relationnelles et comportementales dans des situations précises. Puis les progrès techniques et la meilleure maîtrise de la réalité virtuelle ont permis à l’institut de faire progresser le programme. Il propose aujourd’hui à près de 2000 étudiants chaque année une visite de lieu (usine principalement) ou des expériences plus complexes, comme des escape games interactifs.

Un an après les premières tentatives de l’institut Mines Télécom, en 2015, ce fut au tour d’une grande école de commerce, NEOMA Business School, de se lancer dans la pédagogie en réalité virtuelle. Une première étude de cas a été réalisée, suivie depuis par quatre nouvelles études de cas chaque année suivies par 4500 étudiants. Ces études de cas en 360° sont réalisées entièrement en interne, en partenariat avec des entreprises, afin de proposer des expériences pédagogiques très réalistes. Ainsi, l’école a travaillé avec Leclerc pour proposer un contenu immersif de l’expérience de travail dans un drive Leclerc. Année après année, NEOMA cherche à développer des scénarii plus complexes et interactifs, loin d’études de cas essentiellement descriptives. Il s’agit de mettre l’étudiant en situation réelle.

D’autres écoles de commerce ont emboîté le pas à ces premières expériences, comme l’EM Normandie. Elle propose des expériences immersives pour former ses étudiants aux défis du commerce international, en leur permettant de vivre des situations de négociation et de gestion de crise en temps réel. Ici aussi, tout l’amont est réalisé en interne. L’équipe des technologies éducatives s’est étoffée pour rédiger les scénarii et amorcer le game design. Le développement technique, soit l’écriture en code, est confié à un prestataire externe.

La réalité virtuelle est-elle un outil pédagogique convaincant ?

L’adoption encore discrète de la réalité virtuelle pour l’enseignement en écoles de commerce est-elle de nature à révolutionner l’apprentissage ? S’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur la base d’expériences très limitées, un certain nombre d’éléments peuvent d’ores et déjà être avancés.

Les avancées pédagogiques de la réalité virtuelle

La réalité virtuelle (VR) dans l’enseignement supérieur est globalement appréciée par les enseignants qui l’utilisent et par un certain nombre d’experts en pédagogie.

  • Le premier atout de la VR réside dans le passage d’un état passif à l’état d’acteur. L’étudiant, par le jeu de l’immersion, des scénarios proposés et des interactions réalistes, peut être soumis à une situation réelle. Il y a un aspect très concret, bien plus que sur du papier ou même que dans un jeu de rôle.
  • Les enseignants constatent que les élèves sont plus concentrés et plus appliqués, facteurs favorables à une meilleure performance d’apprentissage. Ils estiment que les étudiants ne peuvent pas décrocher et sont directement impliqués.
  • Un troisième avantage de ce nouveau concept éducatif est sa capacité à personnaliser les enseignements. L’institut de pédagogie de l’Essca school of management travaille ainsi à développer un dispositif d’adaptative learning. Grâce à l’intelligence artificielle, un algorithme pourra, à partir de tests, déceler ce que les étudiants ont compris et retenu d’une session de cours. En fonction de leur état d’apprentissage, le programme s’adapte aux différents niveaux ; ainsi, les étudiants moins performants seront-ils exposés à des exercices spécifiques leur permettant de rattraper leur retard.

Les défis de la réalité virtuelle dans l’éducation restent nombreux

Malgré ses nombreux avantages, l’utilisation de la réalité virtuelle en école de commerce pose aussi des questions.

  • Marie-Laure Massue, directrice du Teaching & Learning Centre de Neoma, souligne l’importance de ne pas laisser la technologie éclipser l’objectif pédagogique. L’usage doit primer sur l’objet, et l’un des risques de dévoiement est de bien encadrer les pratiques. L’intérêt de ces apprentissages repose sur des scénarii et des mises en situation bien élaborés, correspondant aux besoins de formation des futurs managers. Éviter la dérive vers des programmes sans valeur ajoutée, mais moins coûteux à produire est l’un des enjeux futurs.
  • Ne pas tomber dans le « tout virtuel ». Notre cerveau présente d’infinies possibilités et recourt à de multiples process cognitifs. L’enseignement théorique, la concentration sur des sujets conceptuels sont hors du champ de ces apprentissages par VR. Il faut donc veiller à ne pas abandonner progressivement les connaissances abstraites et les travaux de réflexion au seul profit de compétences pratiques. Or on sait à quel point l’outil peut façonner nos habitudes.
  • Le frein le plus important au développement de l’apprentissage grâce à la réalité virtuelle repose sur son coût très élevé. Les grandes écoles de commerce peuvent se permettre l’acquisition de casques coûteux en nombre, ainsi que la confection de programmes adaptés à leurs enseignements. Olivier Lamirault, directeur de l’innovation et des technologies d’éducation de l’EM Normandie estime à 20 à 30 000 euros la confection d’une séquence de 30 minutes interactive en VR. Le temps n’est pas encore venu d’imaginer une généralisation de ce nouveau type d’apprentissage dans les lycées !

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